Réforme de la formation
2010 – 2011, les stagiaires à l’épreuve
17 juillet 2011

La réforme de la formation est entrée réellement en vigueur cette année. Les lauréats du concours 2010 ont été affectés sur des postes mais ont été en doublette jusqu’à Toussaint. Une année épuisante, une entrée dans le métier bâclée, « un gâchis » pour le SNUipp.

Une rentrée 2010 redoutée

Depuis que le principe de la réforme de la formation avait été acté par le gouvernement et le ministre de l’éducation de l’époque Xavier Darcos, des voix s’élevaient de tous bords pour en contester le bien fondé. Syndicats d’enseignants, personnels des IUFM et des universités, parents d’élèves, tous dénonçaient cette opération dont le véritable but était d’économiser une année de stagiaire. La rentrée de septembre 2010 a donc été le baptême du feu des lauréats au concours. Les PES, professeurs des écoles stagiaires, ont essuyé les plâtres du nouveau dispositif. L’opinion publique s’est alors rendue compte de l’aberration que constitue le fait d’être directement nommé sur un poste sans formation préalable.

Dans le premier degré, les PES ont pu presque partout être protégés jusqu’à Toussaint. En effet les suppressions de postes couplées à la baisse des départs en retraite (à cause de la réforme des retraites) ont occasionné dans beaucoup de départements des surnombres qui ont permis pendant deux mois que les PES exercent en doublette dans la classe d’un maître formateur ou d’un maître d’accueil temporaire. Mais ils se sont retrouvés ensuite seuls dans une classe, même si le texte initial prévoyait un tiers temps de formation. 

Quel tiers temps de formation ?

Le ministère n’avait – et n’a toujours pas – les moyens d’assurer un véritablement accompagnement des PES. Les outils en ligne, même intéressants, ne remplaceront jamais le partage des expériences et la réflexion collective. « Tenue de classe », portail du CNDP, a été la « réponse » du ministère aux Etats généraux de la violence à l’école. Il vise à donner des réponses sur la conduite de la classe et la gestion d’un public hétérogène. Néopass@ction, de l’INRP comprend des séances de classes filmées, des commentaires des enseignants débutants et de formateurs, des interviews de chercheurs.

Le syndicat aux côtés des PES

Fin octobre, le SNUipp lance une première grande enquête pour recueillir le sentiment des PES sur leur entrée dans le métier. Le syndicat en rend publiques les conclusions le 1er décembre : les PES sont très mécontents et n’ont pu être nommés dans la plupart des départements que sur des remplacements courts. Le syndicat lance 5 propositions d’urgence sur l’accompagnement dans la classe, l’abandon de la pleine responsabilité de classe en début d’année, une alternance avec 60% de formation, des regroupements à l’IUFM et des parcours de formation adaptés aux cursus des stagiaires.

Après les déclarations de Nicolas Sarkozy en janvier indiquant « qu’il fallait remettre sur le chantier les éléments de la formation », le SNUipp écrit à Luc Chatel le 2 février pour réclamer, outre ses propositions sur la formation, un cadrage national des masters. Les déclarations du président de la République resteront lettre morte, Luc Chatel et les cadres du ministères passeront l’année à répéter « que la formation des enseignants a été améliorée puisque le recrutement se fait désormais à bac + 5 », la presse petit à petit découvrira et relatera la réalité des situations.

Le 28 février le SNUipp lance sa 2ème enquête auprès des PES et est reçu en audience par Luc Chatel. C’est l’occasion de rappeler les principes qui guident la démarche du SNUipp, au-delà de la critique du dispositif : une formation de qualité avec une forte dimension professionnelle ; une cohérence allant de l’année de licence aux dispositifs de formation continue ; une possibilité d’évolution qualifiante par l’accès aux masters pour tous les enseignants qui le souhaitent.

Le 5 avril le syndicat publie les résultats de la 2ème enquête. Les PES se montrent très majoritairement insatisfaits et plébiscitent une alternance progressive et plus équilibrée. Le syndicat réclame alors que le ministère s’engage à « ce qu’aucun PES ne se retrouve en responsabilité à la rentrée prochaine ».

Le 18 avril la parution du rapport Jolion conforte le syndicat dans ses analyses et ses propositions. Ce dernier dresse un constat très sévère sur l’année de formation et préconise de revoir la place du concours. Las ! La circulaire précisant le dispositif d’accueil des PES à la rentrée prochaine paraît le 19 mai et ne reprend aucune des propositions permettant d’améliorer la situation. Pire, les surnombres n’étant plus au rendez-vous, la plupart des lauréats devront s’attendre à se retrouver en poste dès la rentrée. Ils pourront se consoler avec les 5 jours de pré-rentrée que l’administration leur octroie généreusement. Tout juste la circulaire recommande-t-elle d’éviter les nominations sur les postes difficiles, d’accorder une attention particulière à l’accompagnement le 1er mois, de favoriser les binômes remplaçant/stagiaire. Le SNUipp s’adresse à nouveau solennellement au ministre pour « dénoncer le gâchis » et demander l’arrêt du bricolage. Ce bricolage sera même qualifié de « low cost » lorsque le ministre annoncera le 23 mai la possibilité pour 200 étudiants d’une alternance rémunérée.

Tout au long de l’année le SNUipp aura été aux côtés des PES pour les entendre et porter leur parole. Les rencontres avec la CD IUFM (directeurs d’IUFM), la CPU (présidents d’université) et les autres syndicats confortent l’exigence de remise à plat de la réforme de la formation. En l’état actuel de nombreux problèmes ne sont pas réglés. Par exemple toutes les universités ne sont pas en mesure d’assurer les certifications en langue vivante et informatique nécessaires à l’obtention du concours. Malgré les demandes et une pétition de la FSU, le ministère n’a accepté que pour un an et que pour les langues vivantes, le report de cette certification.

Et les maîtres formateurs ?

L’année « commençait bien » puisque les missions des PEMF étaient rappelées au BO du 22 juillet et que leur indemnité était majorée de 50%. Leur tiers temps de décharge a été un temps sur la sellette mais a finalement été confirmé par le ministère dès la mi-septembre. De fait, avec la nouvelle formation, leurs missions se retrouvent exclusivement centrées sur l’accompagnement des PES, avec des situations et un nombre de stagiaires « tutorés » totalement différents d’un département à l’autre. Leur travail dans le cadre de l’IUFM reste très incertain. C’est ce que confirme l’enquête lancée par le syndicat dont les résultats ont été communiqués début janvier.

Quelle rentrée en septembre 2011 ?

Quelle sera véritablement la situation à la rentrée prochaine ? Les dispositifs mis en place commencent à être en partie connus ici ou là : doublettes avec un remplaçant formation continue, affectation sur poste dès la rentrée. Il faut rappeler que le nombre des PES sera faible cette année (et au moins 5 départements n’en auront aucun) : 3 154 places étaient offertes au concours contre 7 165 en 2010, 7 000 en 2009, plus de 10 000 en 2008. Certains départements savent déjà qu’ils vont manquer d’enseignants. Comment imaginer qu’ils pourront placer les PES en doublette jusqu’à Toussaint ?