« Valoriser le métier. »

Mis à jour le 16.07.17

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Entretien avec Éric Charbonnier, analyste auprès de la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE.

La crise du recrutement des enseignants du primaire est-elle une exception française ?

En France, où la population enseignante est plus jeune que dans la plupart des pays de l'OCDE, il y a encore des candidats pour exercer ce métier. On constate néanmoins qu'il y a vraiment un problème dans certaines académies, mais ce n'est pas une crise globale. Le problème se retrouve de façon beaucoup plus marquée dans d'autres pays autres européens. En Italie par exemple, où on peine à remplacer les nombreux départs à la retraite, d'autant que la formation y est encore plus longue qu'en France. Au Royaume-Uni, dans les années 2000, il avait fallu lancer une grande campagne de recrutement pour essayer de combler les vides. La question du salaire se pose aussi dans certains pays. En Italie ou en France par exemple, il n'y est pas suffisamment attractif au regard de ce qui se pratique dans d'autres métiers. Vous avez en France à la fois des salaires inférieurs par rapport à la moyenne de l'OCDE dans le primaire et en plus, le métier n'est pas assez valorisé dans la société. Il faudrait des améliorations dans ces deux directions, mais ça ne suffit pas.

Qu'est-ce qui fait la différence ?

Un des facteurs importants, c'est cette valorisation du métier. En Finlande, où les salaires sont pourtant à peu près identiques à ceux de la France, les enseignants sont reconnus dans leur professionnalité. Toute une société qui reconnait que c'est important d'avoir des enseignants, ça incite les étudiants à se destiner à ce métier. En Corée, ceux qui vont vers les formations pour devenir enseignants sont ceux qui ont presque les meilleurs résultats ! Ce n'est pas forcément le cas en France alors tout ce qui peut permettre aux étudiants d'être dans de meilleures conditions matérielles pour poursuivre leur cursus peut être une incitation à aller vers cette filière.

C'est aussi une question de salaire ?

Une des particularités de la France, c'est que les enseignants du 1er degré sont moins bien « traités » que ceux du 2nd degré, un phénomène beaucoup plus marqué qu'ailleurs dans les pays comparables. Cela peut jouer sur l'attractivité. Mais on voit bien aussi qu'il y a aujourd'hui un sérieux problème dans des endroits bien ciblés. Il faudrait rendre le métier plus attractif dans les zones prioritaires, on pourrait faire évoluer le concours, pour détecter des étudiants qui ont la motivation et les compétences pour aller travailler dans les zones sensibles, avec des salaires attractifs qui valorisent le fait de travailler dans ces établissements.

Y a t-il d'autres leviers ?

Ce qui fait aussi la différence, c'est la nature de la formation dispensée aux étudiants. Il faut vraiment conjuguer apprentissage des savoirs, des savoirs faire et la partie pédagogique. La réussite de la réforme en Allemagne, qui a eu un impact sur l'attractivité du métier, c'est d'avoir renforcé ce volet pédagogique dans la formation initiale et d'avoir développé l'accompagnement des jeunes enseignants dans les premières années de leur carrière. Il faudrait vraiment agir sur cette formation qui reste trop académique, ce qui fait que les futurs enseignants n'ont pas forcément l'idée de ce que sera leur métier avant de commencer à exercer. Autre aspect, ils ont trop peu d'opportunités de développement professionnel quand ils démarrent dans la carrière, trop peu accès à une formation continue vraiment ciblée sur les besoins qu'ils expriment. Et ce qu'on leur propose ne répond pas vraiment à ces attentes.
Le dernier levier serait de travailler à une culture d'échange et de collaboration entre enseignants. On a l'impression qu'ils sont souvent seuls dans leur classe, qu'ils n'ont pas suffisamment d'échanges pour essayer d'améliorer leur façon de travailler avec leurs élèves. Là aussi, il y a en Allemagne des échanges beaucoup plus denses, les plus expérimentés transmettant cette expérience auprès des plus jeunes, une forme d'accompagnement à la prise de fonction dans la durée.


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