Moins de trois ans : il faut des conditions particulières
Mis à jour le 05.04.16
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En réaction aux annonces de la ministre pour faire progresser la scolarisation des tout-petits, le SNUipp-FSU rappelle que cet accueil nécessite des conditions spécifiques et exigeantes, ainsi qu'une véritable formation des enseignants de maternelle.
Hier, la ministre de l'Éducation nationale s'est inquiétée de la faible progression de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, notamment dans les quartiers de l'éducation prioritaire. Avec la ministre des familles, elle a proposé comme réponse de mieux sensibiliser les familles en demandant notamment aux caisses d'allocations familiales (CAF) de contacter les parents par mail afin de leur proposer des places pour scolariser leurs enfants.
S'il y a effectivement un vrai enjeu à faire la promotion de la scolarisation précoce auprès des familles, l'objectif ne peut pas être de faire du chiffre pour du chiffre en affichant une hausse du taux de scolarisation des tout-petits. Une politique volontariste en la matière ne peut donc pas se traduire uniquement par une demande auprès de la CAF d'aller chercher des enfants de 2 ans pour les "jeter" au milieu des autres dans des classes surchargées.
Pour que les tout-jeunes élèves tirent bénéfice d'une scolarisation précoce et pour convaincre les familles, il faut mettre en place des conditions particulières, au sein d'une organisation particulière, avec des enseignants volontaires et formés. Pouvoir être attentif à leurs besoins propres, les aider dans leur socialisation, le développement du langage requière des classes spécifiques d'enfants de moins de trois ans avec des effectifs réduits à 15 élèves. C'est loin d'être le cas actuellement puisque dans 90 % des cas, ces jeunes enfants sont répartis dans des classes de petite section parfois très chargées (1 classe maternelle sur 2 a plus de 25 élèves)
La scolarisation des moins trois ans, que nous soutenons, est exigeante. Elle ne peut donc se faire à l'aveugle et sans projet spécifique comme le souligne fort justement la circulaire de janvier 2013. Nous demandons le respect de ce cadrage national avec un vrai partenariat Éducation nationale et collectivités territoriales « pour s'assurer des conditions d'accueil à la mesure des besoins spécifiques des tout-petits » : ATSEM, locaux scolaires adaptés avec du matériel spécifique, horaires assouplis, liens école maternelle-structures d'accueil de la petite enfance, projet pédagogique. Il est également urgent de mettre en œuvre une véritable formation initiale et continue des enseignants pour l'école maternelle. Pour réussir concrètement la scolarisation des enfants de moins de trois ans, les équipes enseignantes ont besoin d'être soutenues.
Paris, le 5 avril 2016
« Il ne suffit pas de décréter cet accueil pour qu'il se fasse dans les meilleures conditions ! »
Trois questions à Maryse Métra*, présidente de l'AGSAS (Association des groupes de soutien au soutien).
Pourquoi scolariser les enfants de moins de 3 ans ?
Si on pense que la philosophie de l'école maternelle repose sur le respect de la diversité des enfants et de leurs besoins de développement, elle doit pouvoir prendre en compte les besoins des enfants de moins de 3 ans. Il n'est pas question d'inviter les parents à scolariser précocement leur enfant, mais il s'agit de penser un accueil adapté quand les parents font la demande à l'école de partager avec d'autres l'éducation de leur enfant. L'école maternelle constitue un point d'appui très fort pour certaines familles.
Dans quelles conditions ?
Il ne suffit pas de « décréter » cet accueil pour qu'il se fasse dans les meilleures conditions ! Devons-nous, pouvons-nous, savons-nous et voulons- nous accueillir les enfants à partir de 2 ans ? C'est à partir de ces quatre entrées que chaque équipe devrait pouvoir réfléchir. Il y a certaines conditions à remplir en termes de qualité de l'accueil : des professionnels formés, un effectif, des temps et des espaces adaptés... De nombreuses écoles ont pu mettre en place pour les enfants de deux ans une pédagogie « suffisamment bonne ». L'enseignant et l'ATSEM sont présents quotidiennement, ce qui permet aux enfants d'évoluer dans un climat de confiance, de s'adapter et de faire preuve de curiosité pour apprendre et grandir. Cet accueil doit relever d'un engagement de toute l'équipe éducative soutenue par les IEN de circonscription, qui acceptent que les RASED apportent leur soutien par des actions de prévention.
Que dire du lien école-parents ?
Il faudrait faire l'inventaire de tout ce qui se fait dans les écoles maternelles pour favoriser ce lien. On peut citer comme exemple les « papothèques » de l'école de la rue Pajol à Paris, qui visent à faciliter la compréhension des codes scolaires par les familles éloignées de l'école, notamment par la langue. Ou le projet « On joue ensemble » de l'école de Pontcharra dans l'Isère, où le support du jeu permet de créer une relation de confiance entre les différents partenaires de l'école. Enseignants, membres des RASED, partenaires sociaux et médico-sociaux engagés dans tous ces dispositifs font preuve de beaucoup de créativité pour que l'ensemble des partenaires éducatifs apprennent à se connaître et à se respecter. L'école doit être bienveillante pour tous ceux qui la fréquentent, enfants comme adultes !
*Auteure de « La première rentrée : les enjeux d'une prévention précoce à l'école maternelle », ECAP 2011