#BilanBlanquer- Episode 5- Des personnels méprisé·es

Mis à jour le 18.02.22

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Les années du ministre Blanquer auront été marquées par une forme de mépris permanent envers les personnels, l’absence de véritable reconnaissance salariale et par une mise à mal des droits (autorisations d’absence, temps partiels, mutations …). L'École et ses personnels n’en sortent pas gagnant·es. (épisode 6 à venir)

Le déclassement salarial des PE se poursuit ! #

 Les enseignant·es français·es sont moins bien payé·es que la plupart de leurs homologues de l’Union européenne comme le montrent les comparaisons internationales (rapport OCDE, 2021). A titre d’exemple, un·e enseignant·e allemand·e en début de carrière gagne 4638 euros bruts contre 2253 pour un·e enseignant·e français·e, soit un différentiel de 2385 euros bruts mensuels ! En fin de carrière, les enseignant·es allemand·es touchent en moyenne 2137 euros bruts mensuels de plus que les français·es.
Fonctionnaires de catégorie A, les enseignant·es, qui ont un niveau Bac +5, ont également une rémunération inférieure de 35% à celle des autres cadres de la Fonction publique. Et si l’on compare avec le secteur privé, en 2019, le salaire moyen d’un·e cadre était de 4230 euros nets, bien supérieur à ce qu’un·e enseignant·e peut espérer en fin de carrière.

Par ailleurs, le choix des  gouvernements successifs de ne pas augmenter la valeur du point d’indice depuis 2010 a réduit considérablement le pouvoir d’achat des fonctionnaires en général, et des enseignant·es en particulier.
Si le point d’indice avait été augmenté depuis 2010 à la hauteur de l’inflation, le salaire mensuel brut de chaque enseignant·e serait supérieur de 261 et 373 euros pour des collègues respectivement aux 2ème et 10ème échelons de la classe normale, de 486 euros au 7ème échelon de la hors classe.

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Les professeur·es des écoles ont ainsi perdu l’équivalent de plus d’un mois de salaire en 2022 par rapport à l’année 2010.  

Le SNUipp-FSU revendique, pour toutes et tous, le rattrapage des pertes accumulées depuis 2010, conjugué au dégel du point d’indice. Il exige également une revalorisation par l’ajout uniforme de points sur les grilles indiciaires, équivalant à 300 euros nets par mois.

Un manque d’attractivité avéré #

 Depuis 2012, le ratio entre le nombre de présent·es aux concours de PE et le nombre de postes à pourvoir se dégrade. Le métier d’enseignant n’est plus attractif.  De plus, les départs d’enseignant·es titulaires ne cessent d’augmenter, comme en témoigne la hausse des démissions, des demandes de rupture conventionnelle et de disponibilités. Nombre d’entre eux·elles déplorent des conditions de travail dégradées, une perte de sens du métier, un manque de reconnaissance.

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Face à cette crise de recrutement, les réponses mises en place pour attirer des étudiant·es ont toutes été inefficaces (Emploi avenir professeur, étudiant·e apprenti·e professeur·e, M1 MEEF en alternance, AED en préprofessionnalisation…) : refusant d’instaurer des allocations suffisantes en nombre et en montant pour permettre un suivi serein des études, les ministères successifs ont tous assorti l’aide financière à un travail effectif dans les écoles, fragilisant la réussite aux examens.
Les mesures à destination des actifs sont elles dérisoires : le ministre a décidé d’instaurer une prime dite d’attractivité. Ce choix, en lieu et place d’une revalorisation indiciaire,  trahit l’absence de volonté politique de s’atteler au fond du problème.  La prime  reste un complément de salaire, entrant marginalement dans le calcul des pensions et elle ne permet même pas d’atteindre le salaire moyen en début de carrière dans l’UE. D’un montant maximum de 183 euros bruts mensuels à l’échelon 2 en début de carrière, elle est dégressive et s’arrête à l’échelon 9. A partir du 10ème échelon de la classe normale, c’est + 0% d’augmentation ! 

Jean Michel Blanquer avait annoncé un Grenelle historique… qui a fait pschitt ! C’est toute la grille de salaires qui se tasse et les perspectives de revalorisation au cours de la carrière qui s’envolent !

La reconnaissance, matérialisée, entre autres, par le montant des salaires et la qualité des conditions de travail, n’est ni à la hauteur des exigences imposées aux enseignant·es, ni à la hauteur des enjeux de l'École. 

Les droits des personnels restreints #

Le métier de professeur·e des écoles n’a plus la cote depuis un certain nombre d’années, en raison de l’insuffisance des salaires mais également à cause de la dégradation des conditions de travail, phénomène largement connu, y compris des étudiant·es.
De plus, d’année en année, et encore plus rapidement depuis 5 ans, les enseignant·es  ont vu leurs droits bafoués ou a minima se restreindre. Dans les textes, comme tous les fonctionnaires, ils·elles peuvent bénéficier de temps partiels, de mises en disponibilité, d’une mobilité choisie… Seulement le manque de personnels, conjugué aux « nécessités de service » entraîne souvent des restrictions. On constate dans de nombreux départements l’impossibilité  de travailler à temps partiel pour convenance personnelle ou d’obtenir une disponibilité. De même,  seul·es 20% des enseignant·es obtiennent satisfaction lors des mutations interdépartementales. La mobilité vers les autres fonctions publiques se réduit à peau de chagrin.

De la même façon, les droits à formation continue sont limités à ce que l’administration considère comme essentiel ; le congé personnel de formation, pourtant commun à l’ensemble des salarié·es, se voit refusé… La formation ne correspond plus qu’à de l’information prescriptive institutionnelle.

L’absence de respect des droits des personnels n’est pas seulement due à un manque de moyens mais à une volonté managériale du ministre. Le service public de l’Éducation Nationale survit à flux tendu, laissant ceux et celles qui le font vivre de plus en plus dans une grande lassitude et  l’impression de n’être que des pions.

AESH, le mépris comme seule perspective #

Alors que le ministre a soit-disant donné une priorité sur le quinquennat à l’école inclusive, les AESH en sont les grand·es oublié·es. Il aura fallu des mobilisations pour que le ministère les intègre aux ateliers du Grenelle et annonce une amélioration de leurs conditions d’emploi. Les attentes ont vite été déçues.

La nouvelle grille de rémunération au 1er septembre n’est pas à la hauteur du service rendu par les AESH. En subissant à la fois des temps de travail incomplets et des rémunérations au quasi minimum de la Fonction publique, ils et elles sont heurté·es de plein fouet par la précarité.

Les changements opérés ces dernières années (mise en place des PIAL, généralisation de l’inter-degrés, affectation sur des zones de plus en plus étendues, de la maternelle au lycée...) ont eu pour effet de dégrader encore davantage des conditions de travail déjà précarisées. Le refus d’engager une réflexion sur la reconnaissance du métier d’AESH par la création d’un corps spécifique de la Fonction publique témoigne du mépris envers des agent·es qui exercent une mission essentielle au bénéfice des élèves en situation de handicap.

Ce n’est pas du mépris du ministre dont les AESH ont besoin, seulement d’une juste reconnaissance de leur métier ! Il est donc urgent que le ministère s’engage sur le statut, l’amélioration des salaires, la garantie de temps de travail complet et qu’il abandonne les PIAL.

 Les conséquences de la  loi de Transformation de la Fonction Publique
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Avec cette loi visant à faciliter une « déconcentration managériale » des services publics, le gouvernement s’est attaqué à un monument de l’histoire de la Fonction Publique, les commissions administratives paritaires (CAP) instituées par la loi du 19 octobre 1946.  Ces instances centrées sur les sujets relatifs aux carrières individuelles étaient obligatoirement saisies pour donner un avis sur la carrière de chaque agent·e : mouvement, promotions, temps partiels, disponibilité, listes d’aptitudes, départs en formation continue… autant d’opérations administratives qui concernent tout·es les enseignant·es et pour lesquelles les représentant·es des personnels veillent à la transparence, à l’équité de traitement et au respect des règles.

Cette loi du 6 août 2019 a donc permis au ministre Blanquer de contourner les élu·es du personnel pour installer une gestion calquée par le « new management public » dans l’Education nationale. Les instances paritaires, où les représentant·es du personnel siègent à égalité avec l’administration, sont ainsi dessaisies de nombreuses questions laissées entièrement à la discrétion de l’administration, évitant la médiation avec les élu.es du personnel.

Depuis sa mise en place en 2020, le mouvement des enseignant·es se déroule sans que les syndicats puissent vérifier les barèmes des personnels. Ce manque de transparence génère de plus en plus un sentiment d’opacité et d’injustice auquel s’ajoutent des erreurs ou des résultats pour lesquels l’administration peine à se justifier. Les personnels restent désormais seuls face à leur hiérarchie, le DASEN.
Face à cette atteinte grave à la transparence et l'équité dans le fonctionnement de notre institution, le SNUipp et la FSU avaient  appelé la profession à signer une pétition, qui avait récolté 40 000 signatures et à manifester son opposition à ce projet à travers différentes actions, y compris la grève. La mise en application de cette loi a montré concrètement aux personnels ses effets délétères et la nécessité de continuer à s’y opposer.

Conclusion #

Durant 5 années, Jean-Michel Blanquer a exigé des personnels,  AESH et enseignant·es, une forme de mise au pas en imposant sa vision de l’école augmentant de fait les conflits de loyauté. Cela s’est accompagné d’une dégradation de leurs conditions de travail et d'une diminution de leurs droits,

Les démissions et demandes de ruptures conventionnelles augmentent de façon significative, les personnels se détournant d’un métier dont ils ont perdu le sens, où ils et elles n’ont plus leur place d’agent·es respecté·es statutairement comme financièrement.

Le SNUipp-FSU revendique des personnels statutaires, rémunérés à la hauteur de l’importance de leurs missions, comme dans la plupart des autres pays de l’OCDE, et dont on respecte les droits. Il est temps que l’Education et ses personnels deviennent une véritable priorité.

Le SNUipp-FSU analyse la politique éducative de Blanquer, en huit épisodes :