DROM : inégalités
Mis à jour le 12.12.23
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Itv d'Emmanuel Valat, maître de conférences à l'université Gustave Eiffel
« Les jeunes natifs des DROM ne partent pas sur la même ligne de départ »
Emmanuel Valat, maître de conférences à l’université Gustave Eiffel, laboratoire ERUDITE.
Quelles inégalités marquent les DROM ?
Les jeunes natifs des DROM ont plus de chances de grandir dans des familles qui connaissent davantage de problèmes financiers. Cette plus forte proportion de familles modestes que dans l'Hexagone couplée à des ressources culturelles familiales plus souvent éloignées des standards scolaires aboutissent à des écarts de niveau d’éducation de forte ampleur. Deux fois plus de personnes sont sans diplôme. La moitié n’a pas le baccalauréat contre un tiers dans l’Hexagone. En Guyane et à Mayotte, à la démographie très dynamique, tous les rapports pointent une offre scolaire de moindre qualité, avec des difficultés pour attirer des enseignants expérimentés et des écoles dont la taille n’est pas toujours adaptée, moins bien réparties et donc de l'éloignement qui augmente la non scolarisation.
L'origine sociale y pèse-t-elle davantage dans la réussite scolaire ?
Pas vraiment mais les jeunes natifs des DROM ne partent pas sur la même ligne de départ. Les niveaux de vie inférieurs pèsent sur la capacité des parents à aider les enfants, beaucoup de mères sont sans emploi. Les comparatifs internationaux montrent que le déterminisme social est particulièrement fort en France où la culture littéraire classique est la norme. L’usage domestique de la langue nationale y pèse donc davantage dans la réussite scolaire. Or, à La Réunion par exemple, deux tiers des jeunes pratiquent le créole à la maison. D’autres facteurs spécifiques jouent dans les DROM avec trois fois plus de familles nombreuses, des fratries d’au moins 4 enfants. Les ménages sont plus instables et les enfants grandissent moins souvent avec les deux parents. À la Réunion, ils déclarent subir deux fois plus l’alcoolisme, les conflits et les violences en famille que dans l’Hexagone. Le manque de débouchés professionnels peut nuire à la motivation scolaire. Le rendement scolaire est moindre dans les DROM dans un marché du travail restreint. Ce facteur est cependant à modérer car beaucoup de jeunes bénéficient des aides à la mobilité pour étudier et travailler dans l’Hexagone.
« L'école s'adresse aux élèves natifs des DROM avec des normes très hexagonales »
Uniformité ou diversité interne ?
Les DROM partagent des caractéristiques communes en termes d’origine sociale, de ressources des familles, de cadre de vie dans l’enfance et d’offre scolaire, même s’il existe des différences d’ampleur de ces phénomènes. Le niveau de diplômes est ainsi plus élevé aux Antilles qu’en Guyane ou à La Réunion. Le renouvellement des enquêtes démographiques intégrant Mayotte devrait permettre de mieux saisir les particularités de ce territoire qui reste encore peu étudié. En Guyane, les difficultés liées à l'offre scolaire jouent un rôle plus important qu’ailleurs. C’est aussi une terre de migration avec 32% de descendants directs d’immigrés. Alors que ce facteur est plutôt positif dans l’Hexagone, il joue négativement en Guyane.
Quel rôle pour l'école dans la réduction de ces inégalités ?
Étudier ces déterminants sociaux, les conditions de vie pendant l’enfance et leur influence sur les niveaux d’éducation pousse évidemment à se demander comment agir. Changer la donne nécessite de renforcer les moyens de l’école, en réduisant les tailles de classes dès le plus jeune âge. Mais aussi de réfléchir aux conditions d’utilisation de la langue française dès la maternelle. L’école s’adresse aux élèves natifs des DROM avec des normes très hexagonales, sans prendre assez en compte la culture créole et les langues autochtones, les particularités sociologiques et historiques. Elle devrait, par ailleurs, s’adapter davantage aux différents milieux sociaux.