Hongrie : faire taire toute contestation
Mis à jour le 02.07.24
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Depuis son arrivée au pouvoir en 2010, Viktor Orban - premier ministre de la Hongrie et membre du parti d’extrême droite Fidesz - a fait des enseignants et enseignantes l’une de ses cibles privilégiées.
Une véritable stratégie de démantèlement de l’éducation publique a été mise en place. Refonte des programmes, suppression du marché libre des manuels scolaires, édition de manuels imprégnés de nationalisme distribués gratuitement, mise en place d’outils de surveillance, dénigrement dans les médias, remise en cause du statut de fonctionnaire… la liste est hélas longue. «Le ministère de l’Éducation nationale a été supprimé dès l’arrivée au pouvoir de Viktor Orban», se rappelle Katalin Törley, militante du mouvement "Tanitanek", se traduisant par "Je voudrais enseigner" (voir interview ci-dessous).
Durant trois mandats, les enseignants et enseignantes ont été rattachées au ministère des ressources humaines, ce qui était déjà problématique car il n’y avait pas de responsable compétent pour traiter des sujets éducatifs. Depuis 2022, ils sont placés sous la tutelle du ministère de l'Intérieur. «Les questions de discipline, d’ordre, de punition sont devenues plus tranchantes avec à la clé des licenciements de professeurs protestataires ».
Côté salaires, ils ont très peu augmenté par rapport à l’inflation alors que les rémunérations des enseignantes et enseignants hongrois sont déjà les plus faibles des pays de l’OCDE. «Un pacte enseignant version Orban vient désormais compléter une rémunération de base», précise Tatiana Törley. Cela se concrétise par des primes à la discrétion des chef·fes d’établissement en fonction de l’investissement, jusqu’à 60h de remplacement non rémunérées par an ou encore de nouvelles missions à effectuer comme le nettoyage des classes. Tout cela participe à une attractivité en berne mais plus grave encore provoque une détérioration des conditions de travail de personnels et d’apprentissages des élèves.
Interview KATALIN TÖRLEY
Katalin Törley a été enseignante durant 23 ans avant d’être licenciée. Elle est l’une des leaders du mouvement « Tanitanek »
LES ENSEIGNANTES ET ENSEIGNANTS HONGROIS SONT-ILS FONCTIONNAIRES ?
Non, ils ne le sont plus depuis septembre dernier. Suite aux mouvements de protestations de ces deux dernières années, le gouvernement a changé du jour au lendemain le statut des enseignants. Ils et elles ont désormais un statut spécifique "enseignant de la fonction publique" avec davantage d’obligations et moins de libertés.
QUELLE ORIENTATION ONT PRIS LES PROGRAMMES ?
Ils ont été modifiés dès le début de l’ère Orban avec une tendance idéologique et nationaliste. En littérature, en hongrois ou en histoire-géographie, des auteurs, nationalistes de l’entre-deux guerres, ont été ajoutés et des auteurs contemporains, qui ne correspondent pas à ce que porte le gouvernement, ont été retirés. Ce dernier promeut un idéal d’enseignement de fin du 19e siècle avec des professeurs sachants et des élèves devant apprendre par cœur. Sans compter que les programmes sont extrêmement chargés, ne laissant aucune marge de manœuvre. Les enseignants sont pris en étau entre préparer les élèves aux examens et réaliser un travail de qualité. Travailler en groupe, mener des projets, enseigner la coopération, développer la créativité ne sont plus possibles.