"Demandez le journal"
Mis à jour le 11.11.20
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Reportage sur la rédaction d'un journal dans une école du 19e parisien
Pour lire et comprendre la presse, rien de mieux que de pouvoir participer à la rédaction d’un journal. C’est le pari que se sont lancé il y a quelques années les PE et les élèves de l’école Simon Bolivar A dans le 19e arrondissement de Paris.
« Rappelez-vous, on va écrire pour être lu et il faut penser à qui va lire », lance Emmanuelle Verneau à ses élèves de CM2 de l’école Simon Bolivar à Paris. Djibril insiste pour prendre la parole et rappelle qu’il faut « écrire pour tous les élèves de l’école, même les CP, il faut donc des sujets qui intéressent tout le monde ». L’enseignante veut que ses élèves, en préparant le journal de l’école, coopèrent et travaillent de concert « pour se parler, s’entraider, faire des propositions, accepter les idées des autres ».
Penser aux lecteurs
Emmanuelle projette la maquette du journal au tableau. Des pages « sports », « culture », « portrait » ou encore « spécial CP » sont prévues. Les élèves ont pour consigne de rechercher des sujets qui pourraient être traités dans le prochain numéro. Les enfants débordent de propositions qui sont écrites au fur et à mesure. Le groupe débat de ce qu’il est judicieux de retenir. « On ne va pas parler des dents, on l’a déjà fait l’année dernière. Il faut donner des informations sur ce qui se passe dans l’école ». L’enseignante apporte des précisions, distribue la parole, mais laisse une grande liberté de proposition aux élèves. Les élèves parlent de maquette, de colonne, d’article, de titre, de rubriques… « C’est quoi déjà un sommaire », demande Raphaël. D’autres élèves se chargent de la réponse. Voilà cinq ans que ces élèves font l’expérience de l’élaboration de Bonne mine, le journal trimestriel de l’école, alors ce vocabulaire, ils le maîtrisent presque tous. Chaque classe écrit des articles, propose des illustrations pour la vingtaine de pages du journal. Les classes de CP ont une page dédiée. Les autres classes ont deux à quatre pages. « C’est pour les élèves une façon concrète de découvrir le monde de la presse et du journalisme », ajoute Emmanuelle.
« Maintenant, on écrit »
Une fois tous les sujets listés, la classe vote et s’organise en petits groupes pour commencer les rédactions. C’est l’excitation, mais l’impression de désordre laisse vite place à la concertation. L’enseignante rassure sur l’écriture et précise que les textes seront relus et corrigés avant d’aller en comité de rédaction. C’est lors de ce comité composé de deux représentants de chaque classe de l’école que seront défendus les articles. Les élèves écrivent seuls ou en groupe. « Je corrige l’orthographe sinon c’est chronophage, et pour les idées développées ou la syntaxe, il y a plusieurs réécritures. Chacun devra corriger sa production en fonction de mes remarques », explique l’enseignante. D’autres séances collectives permettront de débattre des textes et d’apporter des corrections. La maquette a été conçue par les enseignants et les enfants n’y interviennent pas. « Pas le temps et surtout les élèves n’ont pas la capacité de le faire », dit Emmanuelle. Comme pour un vrai comité de rédaction, des dates de bouclage sont imposées pour permettre au journal d’être imprimé dans les temps. Depuis deux ans, les parents ont proposé de financer l’impression en couleur.
Travailler autrement
Emmanuelle précise qu’« en plus de la production d’écrit, l’élaboration du journal permet de travailler de nombreuses compétences ». Et « parfois ça ne semble pas gagné, mais les enfants apprennent à s’écouter, à faire des propositions, à lire leur texte à un public, à accepter des modifications, les corrections et même les critiques ». Pour elle, toutes les disciplines peuvent être réinvesties avec ce projet de classe, inscrit dans le projet d’école. Il y a 12 ans, elle a participé avec son équipe à un stage avec le CLEMI. La formation a donné des outils et les clés pour la réalisation d’un journal scolaire. L’équipe a changé depuis, mais le journal perdure. « Il y a toujours beaucoup d’émulation lorsque les enfants voient le journal fini, imprimé entre leurs mains et Bonne mine nourrit le sentiment d’appartenance à notre école », note-t-elle. Un constat que semble partager et soutenir les parents qui gardent avec fierté tous les numéros du journal qui a déjà obtenu par deux fois le prix Médiatiks du CLEMI.
Anne Lechaudel, coordonnatrice CLEMI Paris 1er degré
Quels contenus faut-il privilégier pour un journal scolaire ?
Aucun. L’essentiel est que l’ensemble des élèves participent et adhèrent au projet du journal. Cependant, un conseil que l’on donne régulièrement, c’est de ne pas rester centré sur la vie de l’école. Il faut s’ouvrir sur le monde extérieur, en traitant de sujets proches des préoccupations des enfants comme ceux liés à l’environnement. Les enfants s’intéressent à l’actualité et ont des choses à dire. De plus, s’ils veulent que leur journal s’adresse à un large public et ne se cantonne pas aux parents d’élèves, il faut qu’ils trouvent des sujets qui le permettent.
Quand on veut s’y mettre, par quoi commencer ?
Il faut se poser les bonnes questions. À qui va s’adresser mon journal ? En quoi sera-t-il intéressant ? Qu’est-ce qu’il va apporter à mon lecteur ? Quelles informations je veux faire passer ? Comment ?
Il faut démarrer en se fixant des objectifs modestes, avec des articles courts, faisant varier les formats d’écriture. Critiques, interviews, dossier, reportage, reportage photo ou encore dessin de presse et même publicité peuvent être explorés. Enfin, je conseille de privilégier des journaux courts mais qui paraissent plus régulièrement. Cela permet de mieux « coller » à l’actualité.
Comment se former ?
Il existe des coordonnateurs du CLEMI dans chaque académie auxquels on peut faire appel ainsi que le site national et les sites académiques qui apportent des ressources. En formation, les enseignants ont souvent des questions sur la partie technique. Or, l’essentiel pour nous est que les enfants écrivent, réfléchissent à ce qu’est un journal. L’aspect technique peut être chronophage, mais une fois les règles fixées et la maquette établie, cela peut aller beaucoup plus vite. Un bon vieux traitement de textes permet déjà de s’y mettre et il existe aussi des outils en ligne d’aide à la mise en page, que ce soit pour l’impression ou pour le web.