Inégalités culturelles

Mis à jour le 17.04.22

3 min de lecture

Interview de Sylvie Octobre, sociologue, spécialiste des pratiques culturelles des enfants

                                 “Il y a une part croissante des inégalités culturelles dans la fabrication des inégalités”

Sylvie Octobre sociologue spécialisée dans les pratiques culturelles des enfants et adolescents, a co-dirigé, avec Régine Sirota, l’ouvrage « Inégalités culturelles : retour en enfance »

FsC 481 Grande interview  sylvie Octobre

La recherche parle d'inégalités dès l'enfance, pourriez-vous les définir ?  

Elles sont d’ordre économique et culturel. Les premières sont liées au revenu des parents. Les secondes sont très liées au capital culturel des familles : le nombre d’objets culturels à domicile comme les livres ou disques, la forme scolaire du capital culturel, c’est-à-dire le niveau de diplôme obtenu, le rapport à l’écrit, etc. Tout cela dessine des normes éducatives ainsi qu’une certaine vision de la parentalité. Le capital culturel et le capital économique s’imbriquent, créant une représentation du monde, des rapports à la vie sociale et collective différents. Les inégalités de l’enfance se mesurent sur un temps long, certaines affectent les enfants ici et maintenant, d’autres auront des effets ultérieurs sur leur vie adulte. L’accès à l’alimentation et au soin va avoir un impact sur la croissance et la santé futures, l’accès à l’éducation sur l’émancipation des contraintes du milieu d’origine. Par ailleurs, les inégalités de l’enfance portent sur des objets spécifiques : le jeu, l’espace de l’imagination par exemple.

Comment se construisent les inégalités culturelles ?  

Elles se construisent par superposition. D’abord, elles se forment au sein de la famille, à la croisée des exemples parentaux et des injonctions éducatives, puis avec les relations de fratrie. Cette première socialisation est fondatrice. Le deuxième niveau est celui de l’institution scolaire, qui édite des normes, des cadres, un bon goût social même sans le dire. Le troisième niveau est celui des copains qui sont aussi un formidable pourvoyeur d’exemples. Mais la socialisation culturelle ne cesse jamais, elle se poursuit dans le monde du travail, même si les trajectoires professionnelles sont en France très dépendantes des diplômes obtenus, et dans les choix conjugaux. Dans chacun de ces espaces, des inégalités peuvent se former, se réduire ou s’entretenir. 

Quelle part prennent-elles dans la construction des inégalités ? 

Il y a une part croissante des inégalités culturelles dans la fabrication des inégalités parce que, avec l’individualisation croissante de nos sociétés, les dimensions identitaires de la vie individuelle et collective augmentent. Comment se définir ? Comment faire société ? Ce sont des questions qui agitent plus le débat public que celles des inégalités économiques. Plus on s’individualise, plus on revendique que chacun a le droit de se choisir comme il veut, en dehors des cadres, des codes et contraintes, et plus les caractéristiques culturelles, au sens large, sont importantes. 

Quelles stratégies mettent en place les familles pour combattre les inégalités ?  

Les familles investissent de manières très différentes les temps périscolaires. Les activités privilégiées par les familles les plus dotées en capital culturel sont celles qui développent des compétences valorisées à l’école - discipline, entraînement à l’effort, endurance - comme la musique ou les sports individuels en compétition. Tandis que d’autres familles, plus populaires, estiment que le loisir des enfants doit être libre et sans contrainte autre que celle du plaisir. 

Pourquoi l'école n'arrive-t-elle pas à compenser ces inégalités ? Que faire ?  

L’école échoue parce que les inégalités sont fortement liées aux origines familiales qui auront toujours plus d’impact que n’importe quelle norme institutionnelle. Dans une même classe, il y a des élèves d’univers différents avec des richesses différentes. L’école a bien du mal à prendre en charge toute cette diversité car elle est probablement devenue très complexe et son discours est plus éloigné que naguère de la réalité de la diversité des populations qui s’y retrouvent. Si l’école est objectivement égalitaire parce qu’elle accueille tout le monde, elle a déplacé les inégalités vers des inégalités invisibles et donc beaucoup plus difficiles à défaire. Mais l’école n’est pas seule, les institutions culturelles doivent avoir un rôle plus important pour favoriser l’accès des enfants à diverses formes de culture.

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