L'école inclusive pour tous
Mis à jour le 12.05.22
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Itv de Marie Toullec, maîtresse de conférences en sciences de l'éducation
“L’école inclusive est une école pour tous, sans catégorisation”
MARIE TOULLEC est maîtresse de conférences en sciences de l’éducation et de la formation, didactique comparée et scolarisation inclusive à l’université de Nantes. Elle a coordonné « Il/elle va en inclusion, paradoxe d’une école inclusive », une publication ressource de l’INSPE de Nantes.
Le principe d'école inclusive se concrétise-t-il ?
Entre 2005 et 2018, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés a triplé. Toutefois, l’explosion du nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, les AESH, montre que cette scolarisation est souvent soumise à la présence d’accompagnants. Ce signe atteste que les enseignants sont encore démunis face à bon nombre de situations. La centration initiale sur les élèves en situation de handicap s’est aussi déplacée vers la prise en compte des élèves dits « à besoins éducatifs particuliers ». Une attention spécifique s’est élargie à un public d’élèves présentant un écart à la norme scolaire : allophones, avec des grandes difficultés, avec des troubles « dys », un haut potentiel.
Quels sont les freins à une école inclusive ?
Dans toute classe, certains élèves dits « à besoins éducatifs particuliers » sont éloignés des apprentissages attendus. Les enseignants sont alors inquiets de ne pas réussir à rendre les savoirs accessibles à tous et de ne pas faire progresser l’ensemble des élèves. La tentation est grande de penser que certains élèves n’ont pas leur place en classe et de déléguer la responsabilité des apprentissages aux professeurs spécialisés. L’expression « il va en inclusion », aller de l’unité localisée pour l’inclusion scolaire, l’ULIS, vers la classe « ordinaire » par exemple, atteste que, souvent, la classe « ordinaire » n’est pas pensée comme le système principal de scolarisation, ni l’ULIS comme un soutien à cette scolarisation. Penser le même lieu de scolarisation pour tous reste délicat. Il nécessite, en effet, de rompre avec un passé plus centré sur les réussites que sur les progrès des élèves. L’école inclusive est une école pour tous, sans catégorisation. Or, les élèves « à besoins éducatifs particuliers » sont soumis à un projet ou pro -gramme individualisé *. En opérant des catégories selon les troubles ou pathologies, la difficulté est renvoyée à l’élève et non à la situation d’enseignement-apprentissage.
Les PE et les AESH sont-ils outillés ?
Les enseignants sont peu outillés conceptuellement sur ce qu’est une école inclusive. Il existe certes, depuis cette année, 25 heures de formation en master Métier de l’enseignement, de l’éducation et de la formation, mais ce temps est souvent réduit à la connaissance des instances et des dispositifs. Il mériterait d’être articulé aux formations disciplinaires où il s’agirait de systématiquement considérer la gestion de l’hétérogénéité et la différenciation pédagogique. Apprendre à travailler à plusieurs serait aussi une priorité, comme travailler avec un AESH, ou encore co-enseigner avec un collègue. Des formations communes seraient nécessaires. Là encore, les prescriptions institutionnelles mériteraient d’être éclaircies. Ainsi penser l’AESH comme un accompagnement à un élève a des répercussions sur leur travail. S’il avait été pensé comme soutien au système d’enseignement, l’AESH ne se tiendrait pas majoritairement au chevet de l’élève, jusqu’à faire écran aux apprentissages. Éloigner physiquement l’AESH permettrait aux élèves accompagnés d’être plus reconnus en tant qu’élèves capables de faire, de se tromper, de s’engager dans les apprentissages. L ’AESH aurait alors la disponibilité d’observer l’élève au travail dans le collectif de la classe, de documenter ses progrès.
Quels leviers pour faire avancer l'école ?
Arrêter de superposer sans fin de nouveaux dispositifs. Promouvoir les personnes ressources pour l’école inclusive, en soutien aux PE, au sein de l’école, afin de gérer l’hétérogénéité des élèves, d’harmoniser les pratiques professorales, d’aborder les obstacles rencontrés par les élèves et les moyens de les résoudre. « Adapter », « besoins » sont des mots très usités, or, ils ne disent rien des pratiques. Il faudrait travailler collectivement à des exemples emblématiques de pratiques pour que ces mots prennent une signification. Enfin, articuler des expériences de classe à des résultats de la recherche pourrait favoriser un renouvellement des pratiques.
* Projet personnalisé de scolarisation (PPS) ; Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) ; Projet d’accueil individualisé (PAI) ; Plan d’accompagnement personnalisé (PAP).