Laïcité, une garantie de liberté
Mis à jour le 29.11.24
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Françoise Lorcerie revient sur ce qu'est la laïcité et comment l'exercer au quotidien
FRANÇOISE LORCERIE, directrice émérite de recherches au CNRS et à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans.
1.QUELLES CONCEPTIONS DE LA LAÏCITÉ DANS LES DÉBATS ACTUELS ?
Les débats résultent de l’irruption de l’islam dans la vie publique après « l’affaire du voile » en 1989. Deux tendances s’affrontent. La conception « historique » se fonde juridiquement sur la loi de 1905, la Constitution, la Convention européenne des droits de l’homme. Elle stipule que les enseignants sont tenus à la neutralité, mais garantit aux élèves et à leurs parents la liberté, individuelle et collective, de manifester leur religion, sous couvert du respect des règles de l’école, sans prosélytisme.
Une nouvelle version de la laïcité se fonde sur l’interdit de cette expression publique. Elle est imposée aux élèves par la loi de 2004 et des gouvernements ont voulu étendre l’interdiction en dehors de l’école. Cette dichotomie fait écho à des conceptions divergentes de l’acceptation des différences. La laïcité historique considère que l’identité se construit dans un savoir vivre ensemble où s’apprend le respect d’autrui. La « nouvelle laïcité », assimilationniste, souhaite restreindre le droit d’expression des particularités.
2.ET DANS LE PROGRAMME D’EMC ?
Le programme de 2015 ne visait pas que des savoirs mais également des savoir-être et savoir-faire moraux et civiques, qui ont été ignorés par les manuels. Progressivement, le programme d’EMC a été détricoté. Le programme de 2024 a le mérite de la clarification avec une prédominance du domaine de la loi et des règles au détriment de la dimension morale, du sens des valeurs. Il définit une laïcité d’ordre scolaire restrictive, fondée sur la nécessité de protéger les élèves du prosélytisme et de ses excès, alors que dans la société, la laïcité s’impose à l’État, pas aux individus.
3.COMMENT L’ABORDER À L’ÉCOLE ?
L’apprentissage de la laïcité ne se réduit pas à l’enseignement de son principe. Elle est une compétence à exercer au quotidien en faisant débattre les élèves, sans imposer une vérité. Aborder des sujets dans un esprit laïque implique que les élèves puissent exercer leur jugement et éventuellement s’engager hors l’école. Pratiquer le débat réglé s’apprend très bien avec quelques principes d’organisation spatiale et de distribution de la parole. Plutôt que la célébration ritualisée de la laïcité lors d’une journée nationale fondée sur l’étude d’une charte réduite à un règlement, il s’agit de faire comprendre aux élèves qu’ils ont le droit de s’exprimer librement.