Lycées pros

Mis à jour le 20.06.23

2 min de lecture

Itv de Fabienne Maillard, sociologue et autrice de "La fabrique des diplômés"

Fabienne Maillard est sociologue et autrice de « La Fabrique des diplômés », éditions Le Bord

FsC 491 Fabienne Maillard

L'adéquation : une fiction absurde ?

Oui. Pas plus d’une personne sur deux occupe un emploi en lien avec son diplôme. C’est une régression à un système auquel État comme entreprises ont renoncé car il ne répond aucunement à des pseudo-besoins, quasi impossibles à définir. Comment se projeter dans une économie instable, anticiper une crise sanitaire, une évolution industrielle ou écologique voire une guerre ? Cette adéquation est une méconnaissance d’un marché du travail variable. Et c’est contradictoire avec une ambition de mobilité professionnelle, sociale, géographique ou d’orientation choisie.

Comment réhabiliter le lycée professionnel ?

Il ne peut avoir pour objectif une employabilité immédiate et temporaire avec un apprentissage de tâches très spécifiques. Il doit continuer à former à des diplômes nationaux, à favoriser la polyvalence. La mission du lycée professionnel est d’offrir une culture générale. De former à la fois des individus, des travailleurs et des futurs citoyens et citoyennes. Ces jeunes ont besoin d’une formation ambitieuse qui ouvre l’avenir. L’attractivité de l’emploi renvoie aux conditions de travail et aux salaires dont les entreprises ne peuvent être exonérées.

Lycées pros : le leurre du marché de l'emploi

Faisant fi des mobilisations des professeurs des lycées professionnels, le président de la République s’obstine à avancer une réforme fondée sur le principe d’adéquation où les filières devront correspondre « au besoin d’emploi » local, ce qui est censé permettre un « 100% insertion », entraînant la fermeture des filières considérées comme non adaptées. La réforme propose aussi une rémunération des stages en entreprise. Mais pour Sigrid Gerardin, du SNUEP-FSU, « c’est penser la formation professionnelle initiale au seul prisme du travail, celui de la reproduction simple de gestes techniques ». Cette indemnisation est, en effet, dénoncée comme un moyen pour les entreprises d’avoir des travailleurs sous-payés sur des « fonds publics ». Le syndicat propose plutôt une allocation d’études pour ces élèves majoritairement issus des milieux populaires reconnaissant une « formation globale et équilibrée entre savoirs généraux, professionnels et leur mise en application. » Pour la responsable syndicale « cet adéquationnisme forcené est une instrumentalisation du parcours scolaire des jeunes pour répondre aux besoins des entreprises. » De plus, les orientations seront soumises aux offres territoriales, constituant une rupture d’égalité.
Une réorganisation prévue de la terminale avançant les épreuves du baccalauréat vient confirmer un appauvrissement des temps d’enseignements généraux, déjà amputés de dizaines d’heures depuis 2019. Jean-Paul Delahaye dénonçait dès cet automne les injustices faites aux enfants de milieux populaires : « Prenez garde, ceux qui comprennent que leurs enfants n’ont pas accès aux mêmes droits que vos enfants auront de plus en plus de difficultés à accepter d’avoir les mêmes devoirs que les autres. C’est notre pacte républicain que vous mettez en danger. »

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