Mai 68 dans l'éducation

Mis à jour le 29.05.18

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Interview d'André D. Robert, sociologue du monde enseignant

André D. Robert* revient pour Fenêtres sur cours sur la place de l'éducation et des enseignants dans le mouvement de mai-juin 1968.

Que se passe-t-il dans l’éducation en mai 68 ?

Il y a dans une partie du monde enseignant une effervescence pédagogique, tout un courant réformateur qui s’est développé au fil des années 60. Le ministère, lui aussi, avait bien conscience que les transformations qu’avait connues le système éducatif depuis le début de la décennie étaient en décalage avec la pédagogie pratiquée, qu’il fallait changer les choses.
Et en mars 68, se tient à Amiens un colloque qui réunit nombre de ces rénovateurs autour de questions telles que les finalités de l’éducation, le climat scolaire, l’émergence de l’audiovisuel, l’inadaptation du cours traditionnel, ou encore les relations maîtres-élèves. Bien que fidèle au Général, le ministre lui-même, Alain Peyrefitte, s’inscrivait en partie dans ce courant rénovateur, ce qui était paradoxal. C’est ainsi qu’il propose à Amiens d’expérimenter des « maisons communes » de la formation des enseignants des 1er et 2nd degré, en lien avec l’ouverture d’établissements expérimentaux pour la rénovation pédagogique. Démissionnaire fin mai, il n’en aura pas le temps, mais c’était une préfiguration des IUFM ! Son successeur Edgar Faure fera quant à lui la réforme des universités, une autre dans le 2nd degré, avec la suppression du latin en 6e et en 5e et son report comme option en 4e, le remplacement des notes par des lettres, la mise en place du tiers-temps pédagogique, l’installation des conseils d’écoles. Disons que mai 68 a catalysé des idées qui étaient déjà dans l’air.

Quelle place ont occupée les instits dans le mouvement de mai ?

« Nous ne perdrons pas pied dans cette frénésie de renouveau », écrit à l’époque le secrétaire général du SNI, syndicat hégémonique dans les écoles. Il est donc assez prudent… Il n’exprime pas un point de vue réactionnaire mais sur le plan pédagogique, le syndicat a une doctrine, travaillée en lien avec un certain nombre de chercheurs, Piaget par exemple, qu’il n’entend pas voir balayée du jour au lendemain par des revendications farfelues.
Quoi qu’il en soit, le SNI appelle à la grande manifestation du 13 mai pour protester contre les violences policières. Il appelle à la grève à partir du 20 et jusqu’au 7 juin, assurant une réelle présence des enseignants des écoles dans le mouvement.
Sa fédération, la FEN, invitée in extremis aux négociations de Grenelle, en sort avec un collectif budgétaire, 6 000 créations de postes, des augmentations salariales pour les plus jeunes, ou encore la promesse de 25 élèves par classe en CP… On est sans doute plus près de « Soyons réalistes, on a obtenu le maximum de ce qu’on pouvait obtenir », que de « Soyons réalistes, demandons l’impossible ». Ce qui sera d’ailleurs reproché à la direction du SNI, dont le siège sera brièvement occupé par un groupe de militants enseignants radicaux.

Qu’est-ce que ce mouvement a changé ?

Le rapport aux enfants a connu une précipitation de son évolution, On prend plus en compte leur point de vue dans les décisions familiales, on leur attribue plus de responsabilités, l’autoritarisme s’affaiblit au profit du dialogue, avec une vision de l’enfance agissant au nom de son ordre propre.
A l’école, la manière de faire classe a aussi changé. Moins de magistralité dans l’organisation des apprentissages, le travail en groupes, la prise en compte de l’individualité des enfants, même si ça ne se fera pas d’un coup et pas forcément partout. Et il y aura des retours de balancier, des dénonciations furieuses de l’esprit 68. Près de nous, Nicolas Sarkozy en a fait une véritable bête noire ! Or, il y a les évènements en eux-mêmes, dans lesquels il y a des distinctions politiques à opérer, mais ce dans quoi s’est inscrit du point de vue des mentalités le mouvement de mai-juin a eu une importance considérable dans la société.

* André D. Robert est professeur émérite en sciences de l’éducation, Université Lyon 2. Spécialiste de la sociologie des enseignants, il a par exemple écrit L’école en France de 1945 à nos jours, PUG 2015

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