PE et évaluations nationales CP
Mis à jour le 22.01.23
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Itv de Nicole Raybaud-Patin, docteure en sciences de l'éducation
Nicole Raybaud-Patin est docteure en Sciences de l’éducation et de la formation, chercheure à l’unité mixte « Éducation, formation, travail, savoirs » à Toulouse
Elle est co-auteure de l'ouvrage "Appropriations de nouvelles prescriptions. Activités en éducation scolaire" sous la direction de Rémi Bonasio et Hélène Veyrac, éd. Octares
Comment les PE se sont-elles saisies des évaluations nationales en CP ?
Les processus d’appropriation que j’ai observés chez trois PE de CP suivies pendant deux ans sont des éléments que l’on retrouve souvent. Elles ont adapté les évaluations nationales avec quatre objectifs en tête : rassurer, aider, encourager et maintenir au travail leurs élèves. Cela les amène à ne pas suivre les prescriptions sur la durée à consacrer à chaque item ou sur les consignes à passer. Elles ont ajouté des éléments, répondu aux questions des élèves, segmenté les passations. Elles ont pu aussi les instrumentaliser, notamment en les préparant, pour donner une image positive de leur travail, en particulier lors des visites d’IEN post-passations.
Sont-elles un outil de pilotage et une aide didactique, comme l'annonce le ministère ?
Faire passer des évaluations en imposant les exercices, les consignes et les modalités de passation et de saisie des résultats offre l’apparence d’un habillage scientifique qui pourtant n’existe pas. Les biais cités plus hauts sont trop importants pour que ces évaluations soient un outil de pilotage fiable. Pour les PE suivies, ces évaluations sont chronophages et très peu utiles. Elles n’apportent pas d’information nouvelle sur les élèves qu’elles connaissent déjà. Les remédiations proposées par le ministère de l’EN ne portent que sur les exercices ratés, sont individuelles et déconnectées de leur pratique quotidienne. Les enseignantes leur préfèrent les outils qu’elles construisent, échangent entre elles ou les dispositifs existants comme les APC ou le recours au Rased.
Quel impact de ces évaluations ?
Les PE les ont subies, soumises à une pression hiérarchique forte. Elles ont eu l’impression d’être jugées par l’institution. Les enseignantes se sont senties dépossédées, reléguées au rang d’exécutantes alors qu’elles auraient préféré une batterie d’exercices qui ne soient pas limités au français et aux mathématiques et qui leur permettent d’évaluer leurs élèves au fil de l’eau. Rendre compte aux parents a parfois été difficile car les outils fournis n’étaient pas lisibles pour eux. Ces PE ont pu être mises en cause par les parents lorsque leur enfant était en échec, échec incompréhensible pour eux quand le ministre de l’EN affichait que tous les élèves devaient réussir.