Rachid, l'instit
Mis à jour le 23.05.21
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Portrait de Rachid l'instit qui a écrit "les incasables" sur son quotidien en Segpa
Rachid Zerrouki, enseignant en SEGPA au collège des Caillols à Marseille (Bouches-du-Rhône), a écrit un livre où il décrit son quotidien.
« Les incasables » (éditions Robert Laffont, août 2020) est le titre du premier livre de Rachid Zerrouki, jeune enseignant de 28 ans. Un livre où ce PE affecté en SEGPA, section d'enseignement général et professionnel adapté, dès sa sortie de formation relate son parcours atypique d’enfant d’immigrés, y explique son rapport à l’école mais aussi le vécu singulier de ses élèves, ceux de SEGPA. Mais pour beaucoup, Rachid, c’est « Rachid l’instit » sur Twitter, un twitto aux plus de 58 000 abonnés avec qui il partage sa vision de l’école, « une école gratuite, inclusive, véritablement laïque qui est notre bien commun le plus précieux », explique-t-il.
Né au Maroc, il raconte sa première rencontre avec l’école de la République : « J’avais 11 ans lorsque j’ai basculé de l’école publique marocaine à « la mission », ce qu’on appelle au Maroc les établissements d’enseignement français à l’étranger. Cela peut sembler improbable, mais nous venions tout juste de découvrir que nous étions français dans ma famille depuis plusieurs générations ». Un changement qu’il qualifie de déterminant, passant d’une école où on le « frappait avec un bâton pour apprendre à une école où l’on donnait du matériel pour apprendre ». À la fin de sa troisième au collège français de Fez, ses parents décident de s’installer en France, dans une cité HLM de Cavaillon dans le Vaucluse. Il y découvre alors l’enseignement public. Comme se plaît à le dire Rachid, « l’école, c’est la seule maison qui m’a suivi partout ».
Accompagner des élèves sans cesse méprisés
De là naît sa vocation, il passe le concours dans le but d’enseigner à un public défavorisé, un public dont il se sent proche parce qu’il en a fait partie. En SEGPA, les élèves répondent à sa quête de sens, surtout ceux « qui m’ont mis en difficulté que ce soit par leurs troubles du comportement ou de l’apprentissage. Ce sont eux qui ont le plus besoin de moi, de l’école ».
Ses élèves, Rachid tente de les accompagner au mieux, de leur apprendre à relever la tête et à avoir confiance en eux. « Les élèves scolarisés en SEGPA sont constamment stigmatisés, renvoyés à une image d’idiots, d’enfants pas intelligents, dénonce-t-il. C’est même une insulte dans la bouche de certains ». Une stigmatisation que Rachid attribue à l’esprit de compétition entretenu par l’école. Une école de plus en plus basée sur la méritocratie et qui renvoie chaque élève en difficulté à sa propre responsabilité. « Certains élèves de SEGPA arrivent en sixième en espérant devenir avocat, médecin, Youtubeur, comme les autres enfants et moi je leur apprends à faire le deuil de ces rêves, explique Rachid. C’est déchirant ». Pour autant, il accompagne ses élèves à se projeter dans l’avenir malgré toutes leurs difficultés. Et cet accompagnement ne se fait pas sans heurts.
Lorsque l’on évoque Rachid avec sa collègue Mathilde Castillon, elle se rappelle la fin de sa première année. « Il avait ramené un rideau vert de chez lui qu’il avait accroché au fond de la classe et s’était mis en tête de faire une adaptation cinématographique de l’Œil du Loup de Daniel Pennac avec ses élèves, se rappelle-t-elle.
La projection en fin d’année avait bluffé les parents ». Elle témoigne aussi de la personnalité de celui qui est devenu son ami : « sa personnalité est assez éloignée de « Rachid l’instit »…
Il est timide, maladroit, très introverti mais dès qu’il se sent en confiance quelque part, il se lâche, s’amuseet répand la bonne humeur ». Décidément « incasable », Rachid.