Réfugiés mais scolarisés

Mis à jour le 07.10.21

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Aller à l'école demeure une priorité

Malgré les conditions de vie difficiles de Gabriel et Daniel, deux jeunes Géorgiens, aller à l’école demeure une priorité. Associations, institutions et PE se mobilisent pour les accompagner.

« Il fait si noir la nuit, personne ne souhaite que ses enfants grandissent ainsi » exprime, les yeux humides, Kavtaria, réfugiée à Rennes. Cette jeune mère de trois enfants a quitté sa Géorgie natale pour des raisons politiques et angoisse de ne pas trouver un logement décent d’ici l’hiver. Comme une centaine de personnes, elle vit dans un campement improvisé grâce à un collectif d’associations, dans le parc public des Gayeulles. La mairie a mis à disposition les sanitaires d’un vestiaire mais « nous vivons dans un bois et dormons sur l’herbe » déplore Kavtaria. Mi-septembre un rassemblement devant la préfecture demandait logements et régularisations pour ces réfugié•es pour qui les refus administratifs créent des poches de misère dénoncées par les associations et syndicats présents. À la sortie de l’entrevue, la déception et une forme d’épuisement marquent les visages des militant•es. Aucune réponse, aucune perspective de réquisition de logements pour les familles.

Envie d'école

Pourtant, face à cette précarité, l’inscription à l’école de Gabriel, 4 ans et de son jeune frère Daniel a été une priorité pour Katavria, « même si nous devons nous lever très tôt, marcher puis prendre un bus ». La scolarisation, c’est un peu la seule chose qui va bien pour ces familles confirme Armelle Bounya du collectif de soutien aux personnes exilées de Rennes. « Elles sont très attachées à l’école, c’est un espoir d’avenir. Mais comment vivre une scolarité normale et profiter des apprentissages lorsque l’on vit sans eau, sans électricité, dans l’humidité et le froid. Les traces que cela laissera sur les enfants sont de la responsabilité de l’État. »
Les 51 enfants des Gayeulles sont scolarisés parmi les 200 enfants de migrants sur la ville. Et l’inscription reste finalement une étape relativement facile. Un lien étroit entre les associations et les services administratifs permet de répondre au plus vite à cette demande de scolarisation, en prenant soin des fratries et des déplacements, en fonction toutefois des places disponibles. « Mais beaucoup de ces familles vont changer de domiciliation, cela entraîne une discontinuité de scolarité » précise Gaëlle Rougier, adjointe aux affaires scolaires de Rennes. Les enfants restent autant que possible sur la même école, un élément de stabilité après un exil souvent long et douloureux. Gabriel et Daniel se lèvent aux aurores : les toilettes restent éloignées, le petit déjeuner bien que frugal est compliqué et il faut ajouter plus d’une demi-heure de transport. Pour l’élue, il est essentiel de faciliter la scolarité de ces enfants de réfugié•es d’autant que « les parcours, les conditions de vie, telles que la précarité de logement et la fragilisation des familles impactent forcément le bien-être et la réussite des enfants ». 

Parler la langue 

Une synergie d’associations et des personnels des institutions vient accompagner cette scolarité dont la gratuité en France est loin d’être anecdotique pour ces familles. Une attention particulière est également portée à l’accueil des parents. Mireille, directrice de l’école élémentaire Guillevic, les accompagne pour présenter les lieux et décoder leur fonctionnement. Des ateliers « Parlons français, la langue de nos enfants », portés par le CLPS* dans le cadre du Plan de Réussite Éducative de la ville, puisque l’école est en REP, travaillent sur le vocabulaire et les fonctionnements particuliers de l’école.
De son côté, le Réseau Louis Guilloux** propose des traducteurs et traductrices lors des équipes éducatives par exemple. L’objectif est entre autres d’éviter une « parentalisation » de l’enfant. « Rapidement, les enfants vont mieux maîtriser le français que leurs parents », explique Frédéric Le Bastard de l’association Un toit c’est un droit. « Ils vont être amenés à traduire des problématiques d’adultes lors de rendez-vous administratifs ou médicaux. C’est un renversement de positionnement, un pouvoir de savoir qui déstabilise l’équilibre d’une famille. » Or, malgré toute l’attention portée à ces enfants, les traumatismes liés à l’exil ne disparaissent pas facilement. Pour Salem Maaroufi, autrice d’une Étude psycho-éducative sur les immigrés et leurs enfants en France, ces enfants de réfugié•es « se trouvent projetés dans deux espaces de représentations différentes, l’espace parental et l’espace scolaire du pays d’accueil […] L’enseignant doit récupérer ce qui reste de confiance chez l’enfant car, en regardant leurs parents pleurer, être blessés ou torturés, ces enfants n’ont plus confiance en personne. »*** La relation de confiance, Iwan, enseignant en CE2 à l’école Guillevic, y veille. Ce mercredi matin, il travaille sur la compréhension autour de l’album Dans la forêt profonde d’Anthony Brown, et, en amont de la séance collective, propose une lecture individualisée du passage étudié à deux élèves allophones : Simane, venue du Maroc, et Aliass, venant de Mayotte. Iwan leur raconte l’histoire en utilisant des cartes images et pas mal de mimes à l’appui ! Un soutien dont profitent discrètement les voisins de table… Les deux élèves écarquillent les yeux et Simane qui n’avait rien dit jusque-là se lance. L’enseignant perçoit alors le plaisir de l’enfant à répéter le mot « nuit » qu’elle s’approprie. Puis Simane se risque à prononcer le mot « épouvantable ».
* Centre de formation pour adultes en Bretagne
** Réseau Ville-hôpital pour une prise en charge du soin médical et social
*** Extrait du dossier « Les élèves migrants changent l’école » – Cahiers Pédagogiques – janvier 2020

Grand angle FsC 477 Réfugiés

Le cas des Afghan.nes

 La ville de Rennes héberge à ce jour environ 1 000 réfugié.es en tout. Vingt familles afghanes sont attendues dans les semaines à venir. Sachant qu’il y a quelques mois à peine, certaines ont été déboutées puisque le pays était considéré comme un pays « sûr ». D’autre part, des enfants rennais partis en visite dans leur famille et retenus en Afghanistan, sont rentrés mi-septembre dans leur ville bretonne selon la mairie. 

Les besoins alimentaires

Comme d’autres familles en situation de pauvreté, qui n’ont pas toujours les ressources financières, la question des repas est fondamentale. La mairie propose 13 tranches de tarification pour la cantine et une réflexion est en cours pour une gratuité pour les familles les plus démunies. Un goûter est offert à tous les enfants fréquentant le péri-scolaire et des petits déjeuners vont également être mis en place dans le cadre du plan pauvreté, mais « il ne concerne pas toutes les classes et ne sera que sur des cycles de six semaines » regrette Gaëlle Rougier.

UPE2A, un dispositif morcelé

À l’école élémentaire Guillevic, le redéploiement à cette rentrée sur deux écoles de l’UPE2A, unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants, ne laissent plus qu’un mi-temps disponible pour assurer l’enseignement intensif du français. Car si la ville de Rennes compte 16 implantations en primaire, elles ne correspondent en réalité qu’à 8 postes, fractionnant les enseignements sur plusieurs écoles. De même, les communes environnantes, telles Montauban-de-Bretagne ou Fougères, accueillent des élèves non francophones, sans l’appui de ce dispositif.

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