Retraite et inégalités

Mis à jour le 22.03.23

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Itv de Rachel Silvera, économiste et spécialiste des questions d'égalité professionnelle

                                    “La retraite est un miroir grossissant des inégalités qui touchent les femmes”

Rachel Silvera est économiste, maîtresse de conférences à l’université Paris Ouest-Nanterre. Elle est spécialiste des questions d’égalité professionnelle en matière de salaire et d’emploi.

FsC 488 Rachel Silvera

Qu'en est-il de l'égalité salariale femmes-hommes ? 

Elle est loin d’être atteinte. Les femmes touchent en moyenne un quart de salaire en moins que les hommes. Le premier facteur d’inégalités est le temps de travail. 29% des femmes travaillent à temps partiel contre 7% des hommes. Toute une frange d’entreprises ne fonctionne que sur des contrats à temps partiel, souvent courts, aux horaires atypiques et très peu rémunérés. Ces secteurs emploient massivement des femmes selon un présupposé qui veut que le temps partiel soit plus adapté aux femmes qui doivent concilier vies familiale et professionnelle. Quant au temps partiel « choisi » pour élever ses enfants par exemple, il pénalise aussi largement les femmes dans leur vie professionnelle et plus tard à la retraite. Le second facteur d’explication des écarts de salaire est la ségrégation professionnelle. Les femmes sont cantonnées dans des métiers moins bien rémunérés. Six professions occupent plus d’une femme sur deux : l’éducation, la santé, le soin aux personnes, le nettoyage, l’administratif et le commerce. Tous ces métiers ultra-féminisés sont très dévalorisés. 

Quels leviers actionner pour faire évoluer la situation ? 

En 2013, une tentative a eu lieu avec la loi dite des 24 heures de Najat Vallaud-Belkacem qui contraignait les entreprises à garantir aux salariés une durée minimum de temps partiel, mais il y a eu peu d’effets du fait d’accords de branche dérogatoires. L’égalité salariale devait être une priorité du quinquennat mais pour l’instant la seule mesure a été la mise en place d’un index de l’égalité pour les entreprises avec menaces de sanction à la clé. Mais comme ce sont les employeurs qui fournissent les données, 84% d’entre eux s’en tirent avec une note acceptable. On est très loin de la réalité. Il faudrait revaloriser les métiers occupés par les femmes au-delà des simples primes comme celles accordées lors du Ségur de la santé qui profitent indifféremment à tous les personnels. Cela passe par des mesures coercitives. Par exemple, obliger les employeurs à des cotisations sociales sur le temps partiel équivalentes à celles du temps plein.

"Qui, dans l'Education nationale, occupe le plus les postes de direction ?
Qui perçoit le plus d'indemnités ? Inversement, qui demande un temps partiel ?"

Les femmes sont annoncées comme les perdantes du projet de réforme des retraites. Pourquoi ? 

La retraite est un miroir grossissant des inégalités professionnelles et sociales qui touchent les femmes durant leur carrière. Elles perçoivent 40% de moins que les hommes en termes de droits directs à la pension, 28% si on prend en compte les pensions de réversion. Leurs durées de cotisation sont largement inférieures aux hommes : 40% des femmes partent avec une retraite incomplète. Une femme sur deux interrompt ou réduit son activité à la naissance d’un enfant contre un homme sur neuf. Une situation inégalitaire creusée par les précédentes réformes qui va encore s’aggraver avec celle-ci. Reculer l’âge de départ et allonger la durée de cotisation nécessaire pour obtenir le taux plein va peser surtout sur les femmes. Actuellement, 37% des retraitées touchent moins de 1 000 euros bruts contre 15% des retraités. Le maintien du départ sans décote à 67 ans est présenté comme bénéfique aux femmes précaires mais la plupart n’auront pas les trimestres nécessaires à une retraite complète. Injustice aussi pour la mesure de pension plancher à 85% du SMIC : pour en bénéficier, il faudra avoir travaillé toute sa vie, avec une carrière complète, à temps complet et au niveau du SMIC...

Les inégalités sont-elles aussi présentes dans l'enseignement ? 

Oui. Si l’on reste sur les retraites, c’est une profession où la prise en compte de la pénibilité n’est toujours pas reconnue alors qu’on travaille dans un environnement bruyant mais aussi constamment soumis à des contraintes psychiques et émotionnelles. Si l’on revient aux carrières, qui, dans l’Éducation nationale, occupe le plus les postes de direction ? Qui perçoit le plus d’indemnités ? Inversement, qui demande un temps partiel ? Autant de facteurs d’inégalités qu’on a tendance à oublier. D’autre part, les difficultés à revaloriser les métiers de l’enseignement, à hauteur d’autres professions à Bac +5 à prédominance masculine, tiennent pour une large part à leur féminisation culturellement encore assimilée à un déclassement social : enseigner serait au fond un simple prolongement naturel de ce que font les femmes à la maison, car, on le sait, elles sont toutes mères !

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