Ukraine, comment en parler ?

Mis à jour le 05.03.22

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Reportage à Evreux où l'équipe enseignante répond aux questions des élèves sur la guerre

À l’école élémentaire Romain Rolland à Evreux en REP+, l’équipe enseignante répond aux questions des élèves sur la guerre provoquée par la Russie. 

« Pourquoi la guerre ? Est-ce que la France va faire la guerre ? Y aura-t-il une troisième guerre mondiale ? Est-ce qu’on va partir de la France ? La France a-t-elle une chance contre la Russie ?... » Au lendemain du déclenchement de l’invasion par la Russie, les enfants sont arrivés à l’école avec de multiples questions. « Ce sont essentiellement les élèves de cycle 3 qui s’interrogent »,
explique Nathalie Lagouge, directrice de l’école Romain Rolland située en REP+ à Evreux dans l’Eure (27). Dans cette école de 15 classes, 70% des enfants sont issus d’origines diverses – Afrique sub-saharienne, Russie, Maghreb, Géorgie, Turquie, Afghanistan, Tchétchénie… – et plus de vingt nationalités se côtoient. L’actualité s’impose donc dans l’enceinte de l’école avec une résonnance toute particulière et oblige les enseignantes et enseignants à avoir une réflexion sur la manière d’y répondre. « Les enfants doivent-ils faire la guerre ? Est-ce que cela sera une guerre nucléaire ? ». L’inquiétude est palpable chez les élèves qui suivent les évènements à la télé française ou de leur pays d’origine, souvent sans filtre. « Après de rapides échanges informels, nous avons décidé de nous donner du temps, rapporte la directrice. Nous n’étions pas préparés à cela et il n’y avait encore aucune ressource disponible sur laquelle s’appuyer lorsque le conflit a éclaté ». En effet, l’équipe enseignante a à cœur de ne pas faire de faux pas, de ne pas alimenter le stress, ni l’angoisse des élèves. Hélène Feuilloley, enseignante, décide de passer par l’écrit en proposant une boite à questions à sa classe de CM2. « Cela permet une première mise à distance, les élèves doivent se poser, réfléchir, formuler leurs interrogations, précise-t-elle. Cela nous permet aussi de prendre connaissance des questions pour pouvoir les traiter ultérieurement et de manière plus sereine ». 

De l'émotion à la compréhension 

Pour Sabrina Kilouni, maîtresse de CM1, l’étape suivante est de rassurer en leur donnant les clés de compréhension : « J’ai passé mon week-end à chercher sur le net comment parler de la guerre aux enfants ». Articles de presse, blog, groupes sur les réseaux sociaux, journaux pour enfants sont passés au crible et sont partagés sur le groupe WhatsApp de l’école. Certains supports sont considérés comme opportuns tandis que d’autres sont mis de côté jugés inadaptés, trop choquants ou traumatisants pour les élèves. Des supports qui alimentent la réflexion collective et permettent aux enseignantes lors du conseil de cycle qui se tient le lundi suivant de partager démarches et documents sur lesquels elles vont s’appuyer pour informer et débattre en classe. « Nous n’avons pas toutes fait les même schoix, détaille Virginie Adam, maîtresse formatrice et enseignante de la classe de CM1, mais réfléchir ensemble nous a permis de prendre de la distance, de se sentir moins seule, cela nous a fait du bien ». La projection au tableau de la carte de l’Europe fait consensus. « Cela permet de rassurer les élèves, d’identifier où se trouvent les différents pays et où se situe le conflit », explique Virginie. Les élèves ne manquent pas de réagir : « C’est à côté de la Pologne, loin de la France », affirme l’un. « La Russie est juste à côté de l’Ukraine, ils ont la même frontière », renchérit une autre. Mais cela suscite également des incompréhensions : « Pourquoi la Russie attaque-t-elle l’Ukraine alors qu’elle est déjà très grande ? ». L’objectif de la séance est atteint, les élèves ne sont plus dans l’émotion mais cherchent à comprendre les évènements. Après trois quarts d’heure de débats intenses, la maîtresse conclut la séance au grand regret des enfants qui ne sont pas rassasiés et restent avides de s’informer. Qu’à cela ne tienne, promesse leur est faite de parler à nouveau du sujet en fin de semaine avec des documents différents pour les aider à y voir plus clair. Car si l’agression russe n’est pas au programme des élèves de l’école élémentaire, « décrypter l’actualité, le vrai du faux est essentiel, les enfants voient beaucoup d’images et sont sur les réseaux sociaux même s’ils n’ont pas l’âge », affirme Nathalie Lagouge.

Hélène Romano

HÉLÈNE ROMANO
Psychologue clinicienne, psychothérapeute et docteur en psychopathologie. Elle est l'auteure de « Quand la vie fait mal aux enfants » (Odile Jacob)

Quel impact peut avoir la guerre en Ukraine sur les enfants en France ? 

Il y a un risque d’impacts anxieux majeurs et ce d’autant plus que ce conflit s’inscrit dans un contexte où il y a déjà plus de 40% de troubles anxieux chez les enfants français, niveaux maternelle et élémentaire confondus, du fait de la pandémie. Sachant qu’on a une population d’enfants qui a vécu les attentats, ce qui se passe en Ukraine vient se surajouter à un terrain déjà fragile avec le risque de majorer les troubles existants : cauchemars, troubles alimentaires, du sommeil, d’attention, de concentration, dépressifs, perte de l’élan vital… 

Faut-il leur parler de la guerre ?  

Oui, car à moins de vivre dans une bulle, les enfants ont une vie sociale, ils perçoivent les évènements, entendent les adultes, voient des images, échangent en récré. Il faut en parler pour éviter de laisser les enfants dans le vide sinon ils vont essayer de donner du sens à des choses qui n’en n’ont pas pour eux, se sentir responsables. Il est important de nommer les choses, d’utiliser le terme « guerre », d’expliquer que des gens se battent pour un territoire et que la guerre a toujours existé et qu’elle prend fin à un moment ou un autre. Leur dire aussi qu’ils ne sont pas seuls, qu’il y aura toujours des gens qui cherchent la paix et sont présents pour eux.

Quels conseils pour les enseignants ? 

Le premier conseil est de ne pas rester seul, d’échanger avant d’aborder le sujet en classe, se mettre à deux par exemple pour expliquer aux élèves la situation et répondre à leurs questions. Il est essentiel de partir de ce que les enfants ont compris, les écouter sans juger, les aider à décrypter, à mettre en récit sans les obliger à parler, sans montrer d’images traumatisantes. Il faut aussi dans le même temps associer les parents, leur expliquer ce qu’on va dire ou ce qui a été dit à l’école. Les enseignants doivent faire ce qu’ils peuvent, on leur en demande toujours beaucoup. S’ils ne se sentent pas capables, il ne faut pas s’obliger..

FsC 480 reportage Evreux Ukraine

Ressources

« LE JOURNAL DES ENFANTS » traite l’actualité pour les 8-12 ans. Les PE peuvent y trouver des articles pour aider au décryptage de la situation en Ukraine. « Pourquoi Poutine fait-il la guerre à l’Ukraine ? », « Qui va aider l’Ukraine ? » sont les premiers papiers publiés à hauteur d’enfant sur le sujet que le JDE met en « Une ». À retrouver sur JDE.FR

LE SITE « CHARIVARI À L’ÉCOLE », qui partage des ressources pour enseigner, a ouvert un espace « Parler de l’Ukraine aux enfants ». Quelques pistes par cycle, des ressources et un renvoi à des articles de presse sur le sujet sont disponibles sur CHARIVARIALECOLE.FR

L’ÉMISSION « LE DESSOUS DES CARTES » D’ARTE propose une vidéo de présentation géographique de l’Ukraine,« La Russie attaque l’Ukraine », pour mieux comprendre le cadre dans lequel se déroule cette tragique actualité. À destination des élèves de cycle 3, à retrouver sur ARTE.TV

LE SITE EDUSCOL propose des ressources pour évoquer la crise ukrainienne avec les élèves. À destination essentiellement des élèves de collège et lycée, ces documents ont le mérite d’éclairer les PE sur la crise actuelle en Ukraine.

3 NUMÉROS SUR L’UKRAINE sont à retrouver dans le journal « Mon quotidien », pour les 10-13 ans : « Pourquoi il y a un risque de guerre ? », « La Russie a attaqué l’Ukraine » et « 7 mots à connaître pour suivre la guerre en Ukraine ».

POUR LES 6-10 ANS, cartes, infos pour décrypter et mieux comprendre. Actu vidéo et version « Petit quotidien » sur monquotidienvideo.playbacpresse.fr

1 MN 30 DE VIDÉO « 1 JOUR,1 QUESTION » pour expliquer aux enfants « C’est quoi une guerre mondiale ». Des commentaires explicatifs drôles et un dessin léger et espiègle pour les aider à construire leur raisonnement. À retrouver sur youtube.

LIVRE
Guerre en Ukraine Deux jeunes artistes ukrainiens racontent comment trois amis défendent leur ville de façon créative et solidaire, alors que la guerre s’installe. La lumière de l’inventivité l’emporte sur les ténèbres de la violence. L
A GUERRE QUI A CHANGÉ RONDO, DE ROMANA ROMANYSHYN ET ANDRIY LESIV, ÉD. RUE DU MONDE

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