"Un marqueur social"
Mis à jour le 17.06.19
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Bruno Devauchelle, chargé de mission TICE (Poitiers)
Que peut apporter le numérique aux apprentissages ?
Cela dépend du rapport qu’entretiennent les enfants avec les savoirs prescrits de l’école. Le numérique peut ne rien apporter voire même créer du trouble. Cela peut inciter les plus habiles à aller vers des chemins que l’apprentissage ne propose pas et leur faire perdre du temps. Un enfant curieux peut aussi mettre à profit les moyens numériques pour enrichir ses apprentissages. À l’inverse, l’enfant très scolaire va être plutôt en attente de directive sur la tâche à réaliser. Aussi, il n’y a pas d’effet magique. Par contre si on envisage la dimension multimédia, sons et images, elle permet de prolonger l’expérience de l’enfant et peut aider pour expliquer une consigne ou faire comprendre un problème. Bien sûr, il y a des contenus que le numérique ne permet pas d’apprendre, parce qu’ils nécessitent de la manipulation physique, de l’oral que l’ordinateur ne peut accompagner de façon valable. Dans d’autres cas au contraire, pour travailler sur l’écoute par exemple, il peut faciliter et enrichir l’apprentissage.
Et pour les élèves les plus en difficulté ?
Il faut à mon avis à la fois une pédagogie qui sache différencier les parcours et des moyens qui facilitent la différenciation pour aider en particulier les élèves. L’ordinateur peut se substituer lorsqu’il s’agit de cadrer l’activité mais aussi pour aider à réaliser une activité détachée de l’affect de la relation pédagogique. L’appareil numérique devient un tiers et présente l’avantage de déporter une partie de l’enseignement sur la machine pour se concentrer sur l’accompagnement et l’aide aux élèves. Les élèves, même en difficulté, sont plus autonomes sans sentiment d’abandon. Le numérique est un outil supplémentaire de la classe atelier et donne la possibilité de sortir du grand groupe. Il reste par contre une interrogation forte pour une partie de la population extrêmement vulnérable. Le numérique est un marqueur social et il est essentiel de passer des pratiques spontanées à une compréhension de ces pratiques. Si on veut lutter contre « l’illectronisme », le rôle de l’école est essentiel.
Le numérique change-t-il les manières d’apprendre ?
Dès la naissance, l’environnement techno-socio-culturel dans lequel on se trouve transforme notre relation au monde. Comment ne pas imaginer que cela ne transforme pas à terme les façons d’apprendre ? Autant le livre coûtait cher et était rare dans certains milieux, autant aujourd’hui l’accès à Internet est généralisé. Inévitablement cela va transformer les manières d’apprendre mais cela va prendre des années. Pour celles et ceux qui sont nés avec, cela va conduire à des modifications dans la manière d’accompagner leurs propres enfants avec des exigences nouvelles. Si, avec le numérique, on facilite l’accès à l’information, celle-ci devient multimodale et demande de plus grandes compétences de décryptage, parfois plus complexes que l’écrit ou l’audio.
