Avec toit
Mis à jour le 11.12.19
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Dans l’Oise et dans d'autres départements, des mobilisations s'organisent pour qu’aucun enfant ne dorme dans la rue.
20 novembre, début de soirée devant la gare de Beauvais dans l’Oise, il fait 1°C. Comme chaque mercredi, un stand associatif propose de se réchauffer d’une soupe, de partager le pain et un morceau de fromage, et des bonbons pour les enfants… enfants de familles migrantes, enfants SDF.
En ce jour anniversaire des 30 ans de la CIDE, à l’issue d’une grande journée de mobilisation, une soixantaine de militantes et militants sont venus attendre avec ces enfants et leurs familles à l’un des dix points de rencontre du Samu social du département. Comme chaque soir, plus d’une trentaine de personnes sont ici, parents, enfants, bébés, pour la plupart déboutés du droit d’asile.
Maraudes
Rose-Marie Monteil de l’association Solidarité migrants Oise a recensé quinze enfants aujourd’hui devant la gare, souvent plus d’une trentaine sur le département. « La maraude tourne avec quatre véhicules de 19 h à minuit. On note les demandes d’hébergement que l’on transmet au 115. C’est eux qui répertorient et nous donnent les orientations », explique Alexis Derache, président du Samu social de l’Oise qui se charge ensuite, entre 22 et 23 h, d’assurer le transport vers les lieux de mise à l’abri d’urgence, parfois lointains. Les familles devront les quitter le lendemain à 7 h sans moyen de transport pour rejoindre les écoles. La veille, 39 mamans et enfants ont été mis à l’abri, les hommes sont restés à la rue, ainsi qu’une famille avec trois enfants. Aline, 6 ans et Alexandra, 8 ans et leur maman enceinte, viennent d’Angola. Elles attendent avec des maîtresses de l’école élémentaire Camus où les filles sont scolarisées depuis la rentrée de novembre. Hier soir, elles étaient dans un foyer mais la semaine dernière, sans solution d’hébergement, c’est la solidarité qui leur a permis de dormir à l’hôtel. Claire Michot de l’école Camus fait partie du collectif Pasdanslaruesolidarité créé par des enseignants de Beauvais. « Nous avons organisé des goûters solidaires et une collecte. Nous assurons un relais aux maraudes pour garantir que les enfants qui ne sont pas pris en charge par le 115 puissent être logés ». La mairie de Beauvais offre le repas de midi et le centre de loisirs aux enfants pendant que la boutique Solidarité d’Emmaüs permet aux parents de se doucher ou de laver le linge.
C’est à 15 h devant la Préfecture que le collectif constitué d’associations et d’organisations syndicales de tout le département avait appelé à manifester. « Ces enfants sont dans nos écoles. Les enseignants sont aussi des citoyens. Nous demandons la réquisition des logements vides », clame Pierre Ripart, secrétaire départemental du SNUipp-FSU de l’Oise, très présent dans toutes les initiatives en soutien aux migrants. Le collectif se relaie lors des maraudes du Samu social, centralise le recensement des enfants à la rue et l’envoie tous les jours, depuis le 10 octobre, par courrier au préfet et à la présidente du Conseil départemental. Pendant qu’une délégation était reçue par le directeur de cabinet du préfet, plus de 100 personnes ont pris le chemin de la gare, faisant halte devant le Conseil départemental, la direction départementale de la cohésion sociale et la mairie de Beauvais, avant de se retrouver à l’assemblée générale de 18 h dans une salle communale pour organiser la suite des mobilisations.
Solidarité sur le plateau Rouher
La famille Kavtaradze arrivée de Géorgie, un pays « sûr » selon les autorités, l’année dernière pour faire soigner sa fille a été déboutée de sa demande d’asile politique juste avant la rentrée scolaire et a dû quitter le logement de France Terre d’Asile qu’elle occupait à Creil. Sans communauté pour les soutenir, ni de famille pour les accueillir et sans hébergement d’urgence, la famille doit alors dans sa voiture. Informée de la situation, l’équipe enseignante de l’école Camus de Creil où sont scolarisés les enfants Lizi et Revazi, les a accueillis à l’école. « Dès le lundi j’ai écrit à l’inspection, à la Préfecture, à la mairie de Creil pour les alerter. Jeudi soir, toujours sans hébergement du 115, nous avons décidé de les héberger à l’école. Les autres parents ont ramené des dons alimentaires, des couvertures et ont constitué une cagnotte. La mairie de Creil nous a assuré de son soutien. La presse aussi était là », raconte Xavier Bulliard le directeur. Dès le lendemain, une solution d’hébergement est trouvée par décision du préfet dans un mobil-home social au camping de Bresle.
À l’école Nerval, c’est une famille arménienne qui est sous le coup d’une expulsion fin septembre. Pierre-Emmanuel Boudet, directeur de la maternelle qui scolarise Natali, et Ismael Sosa, directeur de l’élémentaire qui accueille Hovhannes en CP, prennent les choses en main avec leurs équipes. Ils alertent, rassemblent et, sans solution d’hébergement acceptable par le 115, sans proposition de la préfecture, avec à nouveau l’accord de la mairie, installent la famille dans la salle délaissée du RASED. « Il a fallu organiser une vie avec les allers-retours quotidiens au Samu social le soir, les tours de garde des équipes enseignantes pendant les 27 jours d’occupation. Il y avait 15 gamins à la rue à Creil ce 10 octobre et c’est pour lutter contre ces situations que le collectif s’est créé », explique Pierre-Emmanuel, familier des luttes creilloises. La mobilisation aura fait avancer le plan hiver de 15 jours et permis ainsi à la famille Babayan d’être logée sur Beauvais, bien que les enfants continuent de fréquenter leur école de Creil.
Mais que fait l’État ?
« Ils ne veulent pas reloger les déboutés pour éviter un « appel d’air » et favorisent une aide au retour », a retenu Pierre Ripart de l’audience avec le cabinet du préfet. Un communiqué de la Préfecture, publié le jour de la mobilisation, indiquait : « L’Oise dispose de 1 953 places d’hébergement, 1103 pérennes et 850 quotidiennes à l’hôtel, aujourd’hui toutes occupées. Chaque nuit, entre 120 et 150 personnes vulnérables, pas toutes déboutées du droit d’asile, sont identifiées par le Samu social comme étant sans solution d’hébergement ». Les mairies sollicitées ont mis à disposition des hébergements d’urgence encore plus précaires, telles 20 places du gymnase Morvan à Beauvais depuis le 22 novembre. « La mairie fait tout ce qu’elle peut. Mais elle ne peut pas se substituer à l’État qui n’assure pas ses missions », ajoute pour finir Pierrick White, conseiller auprès du maire de Creil. Et donc ses obligations d’appliquer l’article L345 du Code de l’action sociale et des familles : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment à un dispositif d’hébergement d’urgence ».