Choc des savoirs dans le premier degré : où en est-on ?

Mis à jour le 14.02.25

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Le 5 décembre 2023, jour des résultats des évaluations PISA, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, faisait des annonces à grand renfort de communication sur ce qu’il appelle alors le « Choc des savoirs », présenté comme le seul outil pour « relever le niveau des élèves ». Depuis, les différents ministres qui se succèdent rue de Grenelle adaptent le « choc des savoirs » à leur politique, Elisabeth Borne a accordé de la souplesse dans la mise en œuvre dans le second degré. Pour le premier degré, elle accède enfin à la demande de la FSU-SNUipp d’abandonner la labellisation des manuels scolaires.

La mise en œuvre des programmes de cycle 1 et 2

Après un semblant de concertation, le Conseil supérieur des Programmes a produit des contenus pour le cycle 1 et 2 en lien avec la feuille de route du ministère, mais pas avec l’ensemble des travaux de la recherche. Ces programmes beaucoup plus détaillés et donc beaucoup plus contraignants sont parus malgré un vote quasiment unanime en contre du Conseil supérieur de l’éducation. Pour la FSU-SNUipp, ils déroulent une conception mécaniste des apprentissages avec des objectifs à atteindre fixés à chaque âge, comme si tous les enfants apprenaient à parler, à lire, à écrire, à compter ou à résoudre des problèmes au même moment. La diversité des rythmes d’apprentissage des enfants est niée, ainsi que les recherches en la matière. Ces programmes partent du principe que ce qui est enseigné est immédiatement compris, appris et retenu par les élèves. Or, l’enseignement est bien plus complexe. Maîtriser des compétences demande du temps et des méthodes diverses et adaptées selon les élèves.

En visant principalement l’objectif d’améliorer les « scores » des jeunes élèves lors des évaluations nationales et internationales, les nouveaux programmes brident à la fois les choix didactiques et pédagogiques des équipes enseignantes, nient leur expertise et transforment les professeurs des écoles en de simples exécutant·es de programmes livrés « clés en main ». Les équipes de formateurs et formatrices se retrouvent dans l’obligation de les mettre en œuvre, tout comme les professeurs des écoles, alors qu’elles savent que ces programmes ne tiennent pas compte du réel et sont impossibles à mettre en œuvre sans exclure une majorité d’élèves.

Vers un abandon de la labellisation des manuels

Dans le même temps, cet encadrement des pratiques professionnelles devait être renforcé par la labellisation des manuels scolaires. La FSU-SNUipp a dénoncé tout au long de l’année dernière cette volonté politique de reprendre en main les contenus et les pratiques enseignantes en niant l'ingénierie pédagogique des professeurs des écoles. Elle a même écrit avec d’autres organisations syndicales à la ministre Nicole Belloubet dès le mois d’avril 2024 pour stopper ce processus engagé.

Reçue en audience bilatérale ce lundi 10 février, la FSU-SNUipp a réinterrogé sur la mise en œuvre de la labellisation des manuels. Elisabeth Borne a alors annoncé que cette labellisation était abandonnée pour la rentrée prochaine. Il est clair que la forte opposition mais également les différentes actions de la FSU-SNUipp ont pesé dans cet abandon. Cette première victoire doit permettre de faire disparaître totalement la volonté de mise au pas des enseignant·es avec des méthodes injonctives et la volonté de caporaliser les pratiques enseignant·es. La liberté pédagogique doit pouvoir s’exercer dans nos écoles.

Vers une demande de report des programmes de cycle 3

Concernant les programmes de cycle 3, depuis la saisine du Conseil supérieur des Programmes, aucune organisation syndicale n’a été auditionnée ou consultée avant la publication des projets. Depuis, le calendrier s’accélère et un passage en Commission spécialisée et un vote en Conseil supérieur de l’Éducation pour le mois de mars 2025 est annoncé. Pour la FSU-SNUipp, ce passage en force est inacceptable et elle s’est exprimée en ce sens auprès de la ministre en Conseil supérieur de l’Éducation le 29 janvier et lors de l’audience bilatérale du 10 février. La FSU-SNUipp a demandé expressément à la ministre le report des programmes de cycle 3 et d’engager une véritable concertation à l’instar de ce qui s’est fait pour les programmes d’Evars.

Modifier les programmes nécessite des temps de concertation mais également beaucoup de dialogue si l’on souhaite qu’ils soient ensuite appliqués dans les classes. Pour chaque nouveau programme, les équipes ont besoin d’un temps d’information, d’un temps d’appropriation puis d’un temps de formation, ce qui demande, pour respecter le travail des enseignant·es, de laisser un délai d’au moins une année entre la publication d’un nouveau programme et son entrée en vigueur. Par ailleurs, la FSU-SNUipp a demandé que ses propositions d’amendements soient réellement prises en compte et que le passage en force opéré pour les programmes de cycle 1 et de cycle 2 ne se reproduise pas. La ministre s’est dite ouverte à la discussion.

Si le “choc de savoirs” perd de la vitalité au fil des mois, la FSU-SNUipp continue néanmoins d’en demander son abrogation. Il est toujours prégnant dans le premier degré : c’est cette réforme qui a aussi permis de généraliser les évaluations nationales standardisées à tous les niveaux de l’élémentaire. Ces évaluations organisent une école encore plus normative et sélective.