Circulaire de rentrée : sans changement de cap

Mis à jour le 09.07.24

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La circulaire de rentrée 2024, diffusée en amont des résultats des législatives, s’inscrit, sans surprise, dans la continuité des politiques menées depuis 2017 dans l’Éducation Nationale. Elle vient ajouter une nouvelle justification des mesures du «Choc des savoirs», y compris en mettant en oeuvre des mesures, dont les textes n’ont pas été publiés (programmes, labellisation des manuels…). La rhétorique de la «cohésion» y est omniprésente, mais en l’absence de moyens, elle ne reste qu’un mot creux et ne parvient pas à masquer la réalité d’une école qui souffre.

Depuis quelques années, la circulaire de rentrée qui devrait être une feuille de route pour les enseignants, n’est au mieux qu’une communication ministérielle. Une fois de plus, celle parue au BO la veille de la sortie des classes, ne tranche pas avec les précédentes. Elle assène le mot cohésion et met en avant les éternelles marottes de la rue de Grenelle depuis 2017 : enseignements des «fondamentaux», «égalité des chances», évaluations nationales, autorité … Et cela sans annonce sur d’éventuels moyens qui permettraient d’améliorer les conditions d’apprentissage des élèves et les conditions de travail des personnels.

La circulaire s’articule autour de 4 axes

AXE 1 : La cohésion par la progression de chacun : réactiver l’école comme ascenseur scolaire et social

Le Ministère fait trois évolutions qu’il qualifie de substantielles : 

- Une nouvelle manière d’enseigner les mathématiques et le français en cycle 1 et en cycle 2 ainsi que la poursuite des plans français et mathématiques et les formations en constellations.

- La labellisation, sans justification, des manuels

 - La généralisation des évaluations nationales du CP à la seconde.

Ce qu’en pense la FSU-SNUipp :

Du côté des contenus d’enseignement, même s’il n’y a pas de référence directe aux mesures du «Choc des savoirs», ce sont bien elles qui constituent la colonne vertébrale de cette circulaire. On retrouve ainsi les obsessions qui ont guidé la rédaction du projet des nouveaux programmes avec une vision très «étapiste» (du simple au complexe), alors que les apprentissages ne se construisent pas d’une manière linéaire. En mathématiques, l’automatisation remplace l’intelligence des situations. En français, la répétition est préconisée au détriment de la réflexion sur la langue.
Enfin, le pilotage du métier enseignant par les évaluations nationales est clairement explicité. Or pour la FSU-SNUIPP, ces évaluations restent inutiles pour les enseignements et sont la clé de voûte du “Choc des savoirs”. Elle rappelle son opposition et appelle à la non passation pour la rentrée prochaine.
Assurer la cohésion sociale dans l’école et par l’école, lui redonner un objectif de lutte contre les inégalités scolaires ne se décrète pas mais nécessite moyens et mesures !

AXE 2 : La cohésion par la lutte contre toutes les formes d’assignation

Pour «s’élever contre toutes les barrières sociales, géographiques ou culturelles», la mixité sociale et scolaire et l’adaptation aux besoins des territoires sont considérées comme une priorité avec l’annonce de la refonte de la carte de l’éducation prioritaire.
La pleine inclusion scolaire est censée se poursuivre avec l’expérimentation d’une nouvelle organisation du service public de l’école inclusive dans quatre départements, à travers la mise en place de pôles d’appui à la scolarité (PAS). La rémunération des AESH qui interviennent sur le temps méridien sera désormais prise en charge par l’Etat.

Enfin, l'école doit être le lieu de la fabrique du citoyen et lutte contre tous les stéréotypes. La circulaire annonce ainsi que le principe de laïcité doit être respecté et l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale doit être intraitable sur son respect. Les nouveaux programmes d’EMC vont aussi entrer en vigueur. La poursuite de la promotion de l’égalité entre les filles et les garçons serait mise en avant avec la mise en place d’un «travail de fond» (non précisé) sur les pratiques pédagogiques non stéréotypées, notamment en mathématique ainsi qu’une formation pour les psychologues scolaires.
Le respect de l’autorité des professeurs et la lutte contre les différentes formes de violence avec un ensemble de mesures est annoncé, là encore sans précision concrète.

Ce qu’en pense la FSU-SNUipp :

La lutte contre les discriminations qu'elles soient sociales, de genres ou liées au handicap doit passer par un travail de fond ancré dans la formation initiale et continue des personnels. Elle doit pouvoir s’appuyer sur une réflexion autour des moyens à mettre en œuvre pour favoriser la mixité scolaire.

Les nouveaux programmes d’EMC, qui martèlent des injonctions au respect des règles, ne portent pas la nécessité de développer l’esprit critique pourtant indispensable à la conscientisation citoyenne des élèves. Ils sont emblématiques de cette priorité mise dans une forme de « dressage», bien loin de la mission de l’école : former des citoyen·nes libres et éclairé·es.

AXE 3 : La cohésion autour de l’école et de ses personnels

Dès la rentrée, une force mobile scolaire sera créée au niveau national «pour apporter, en cas de crise, un appui et des renforts aux équipes académiques en moins de 24 heures». Les écoles seront invitées à constituer des réseaux d’appui éducatif au sein desquels les AED pourront participer à la sécurisation de l’ensemble des enceintes scolaires du premier degré.

 Du côté des personnels et de leur carrière, la circulaire promeut la réforme de la formation initiale en cours (alors qu’aucun texte n’est encore paru) et propose de «déployer en dehors du temps de face-à-face pédagogique» la formation continue.

Ce qu’en pense la FSU-SNUipp :

La circulaire reprend les poncifs de Gabriel Attal sur l’autorité avec des formules du type «ni lâcheté, ni faiblesse, ni tiédeur», «bouclier républicain» qui dénote d’une préférence pour l’autoritarisme quand il s’agirait de renforcer les conditions d’un dialogue serein avec les familles et les élèves.
Quant à la formation, la FSU-SNUipp dénonce l’appauvrissement de ses contenus qui sont toujours centrés sur les «fondamentaux» pour tenter de transformer les méthodes d’enseignement et d’imposer de prétendues bonnes pratiques aux enseignant-es.

Axe 4 : La cohésion sociale par l’avenir que prépare l’école : construire dès à présent l’école du futur

Dans cette dernière partie, il est question, sans grandes nouveautés, d'une «stratégie de l’éducation nationale sur l’intelligence artificielle», du programme PIX, de la poursuite des mesures qui concernent la protection de l’environnement et la transition écologique.
Le renforcement des compétences psychosociales des élèves est évoqué avec une feuille de route sur le développement de ces compétences qui sera rendue publique d’ici la rentrée.
Pour la revalorisation de la santé scolaire et de ses personnels, une mesure d’attractivité et de restructuration des grilles indiciaires des médecins scolaires sont envisagées ainsi que des assises de la santé scolaire.

Ce qu’en pense la FSU-SNUipp :

Alors que la transition écologique et la protection de l’environnement devraient constituer une priorité, les mesures dans ce domaine restent très floues.
Encore une fois le ministère passe complètement à côté de l’écoute des organisations syndicales et de la recherche sur l’école pour en préparer les transformations qu’il affiche comme moteur d’une nécessaire cohésion sociale.

Dans cette circulaire de rentrée, le ministère fait comme si sa politique éducative était la solution aux inégalités scolaires alors qu’elle les construit. Et ce n’est pas le saupoudrage de bons mots à l’attention des personnels qui permettra de faire oublier le mépris permanent qu’elles et ils subissent au quotidien comme le manque de moyens pour construire une école ambitieuse pour ses élèves. L’année qui vient de s’écouler aura montré le caractère brutal d’une politique qui s’est faite contre les enseignantes et enseignants, la circulaire de rentrée reste dans cette continuité.