Entretien avec le Ministre

Mis à jour le 01.07.22

5 min de lecture

Le SNUipp-FSU a été reçu en audience par le Ministre de l’Education le mardi 29 juin 2022. État de l’école et de la profession à la veille de la rentrée, revalorisation salariale, expérimentation marseillaise, crise du recrutement, inclusion et AESH… de nombreux sujets ont été évoqués. Si des éléments d'explication ont été apportés, les annonces concrètes restent à venir et l'absence de réponse sur certains sujet montre la volonté d'appliquer la feuille de route présidentielle

Au regard de l’actualité et des annonces ministérielles, le SNUipp-FSU a soulevé un grand nombre de problématiques lors de cet entretien.

Etat de l’école, état d’esprit de la profession et conditions de la rentrée scolaire

Le SNUipp-FSU a remis au ministre les résultats de l’enquête “école et métier”, menée auprès de la profession, pour appuyer ses propos après cinq années d’injonctions et d'autoritarisme. Le Ministre a reconnu que la rentrée pourrait être compliquée, notamment dans les académies très déficitaires.
Le SNUipp-FSU a demandé le recrutement des listes complémentaires et la possibilité pour certain·es de rejoindre des académies en manque de personnel. Un travail est en cours au ministère afin de sécuriser juridiquement le recours possible aux LC d’une autre académie. Des réponses devraient arriver très rapidement..
Quant au recours aux contractuel·les, qui se généralise, le SNUipp-FSU a demandé à ce que l’accès à la titularisation, via un concours réservé, leur soit ensuite proposé. Sur ce point précis, le Ministre parle de “fidéliser” les précaires, pour les former et mieux les payer. Le syndicat, inquiet de cette situation qui fragilise l’école et le statut, a émis la volonté de travailler rapidement sur cette question. Le ministre s’est dit favorable.

Structuration de l’école, généralisation de l’expérimentation marseillaise

La généralisation de l'expérimentation marseillaise a été la première annonce du nouveau Ministre. Sur ce sujet sensible, le Ministre évoque une généralisation qui ne serait pas une réplique de ce qui s’est fait à Marseille mais plutôt une “démarche de liberté de projet”. S’il n’y a pas de généralisation à la rentrée 2022, cette expérimentation risque tout de même de s’étendre.
Les inquiétudes d’un pilotage inspiré du privé restent entières : il n’a pas répondu à l’interpellation sur l’attribution de moyens à partir de critères objectifs (comme en REP) et non sur les projets ou sur les évaluations d’écoles.
Sur ce sujet, le syndicat a évoqué l’opposition des équipes pédagogiques à un pilotage par les évaluations. Le SNUipp-FSU, qui a déposé le courrier intersyndical, a rappelé sa ferme opposition à ce dispositif.

Mise en place d’un grand débat à la rentrée

Le Ministre présente l’idée d’un “grand débat” à la rentrée comme la possibilité d’imaginer des formes d’innovation avec moins de verticalité et plus de liberté sur les projets. Il a rappelé son attachement à la notion de liberté pédagogique, sa confiance envers les équipes, tout en respectant le cadre national. Pour le Snuipp-FSU, les objectifs de cette concertation doivent être précisés, les collègues ayant besoin de sérénité et pas d’une énième remise en cause ou de perte de temps.

Les fondamentaux, les inégalités scolaires, la crise et ses conséquences

Le SNUipp-FSU a mis en garde contre tout resserrement sur les savoirs fondamentaux qui creusent les inégalités et qui ne permettent pas aux élèves des milieux populaires de disposer d’une culture commune, essentielle à l’émancipation et construite autour de la professionnalité des enseignant·es. Le syndicat a rappelé son opposition aux concepts “d’égalité des chances” et de “mérite” tant prônés par le ministère. Le Ministre a tenu sur ce point à rassurer en rappelant son attachement à la formation et à la pédagogie (“enseigner différemment”), aux évaluations conçues comme un complément à ce qui peut être mis en place en classe, à l’appui sur l’ensemble de la recherche et pas sur les seules neurosciences…
Si le SNUipp-FSU prend acte positivement de ce discours, il ne donne aucun blanc-seing. Le syndicat a par ailleurs demandé la mise en place d’un comité de suivi pour tous les dispositifs qui se mettent en place, notamment les dédoublements de classe en Éducation prioritaire.
Le Ministre a dit être en réflexion sur la question de la maternelle. Le syndicat sera attentif à ce qu’aucun recul n’ait lieu sur les programmes de l’école première.

La situation des AESH

Les AESH sont des personnels indispensables mais pourtant maltraités par l’institution. Le SNUipp-FSU a tenu à réaffirmer l’urgence à régler la question de leur salaire, de leur statut, des temps partiels imposés ainsi que de l’inégalité de traitement concernant la non attribution de la prime REP/REP+.
Le Ministre dit avoir conscience des besoins de ces personnels mais n’a avancé aucune piste concrète.

La problématique de l’inclusion

Une circulaire devrait paraître prochainement sur la question de l’inclusion. La question de la formation y occupera une place particulière. Le SNUipp-FSU a mis en avant l’urgence de cette problématique qui, lorsqu'elle est réalisée sans moyen, peut engendrer des souffrances chez les personnels, les élèves et les familles. Il a affirmé sa revendication d’équipes pluriprofessionnelles dans les écoles qui permettrait de croiser les regards sur les élèves.

Salaires

Concernant les salaires, la dernière communication du Ministre sur les 2000€ net en début de carrière a provoqué des réactions chez les enseignant·es. Il faut actuellement 15 ans d’ancienneté pour qu’un·e PE atteigne les 2000€. Pour le SNUipp-FSU, c’est toute la grille qu’il faut revoir et qu’aucun·e enseignant·e ne doit être oublié.
Le ministre a précisé ces propos et indiqué qu’on parlait bien de 2000 euros en début de carrière mais qu'il faudra penser la grille dans son ensemble et ne pas l’écraser. Les discussions avec Bercy sont en cours.

Au final, si certaines réponses peuvent laisser apparaître une certaine rupture idéologique avec le ministère précédent, aucune annonce concrète n’a été faite concernant l’évolution de l’école ou les mesures concernant les personnels.

L’absence de réponse sur le fond même de l’expérimentation marseillaise ou sur les évaluations d’école montrent que la feuille de route du Président, en matière d’éducation, sera tenue par le ministre. Quant aux bonnes intentions sur les moyens ou les salaires, l’arbitrage final, laissé au Ministère des finances, ne laisse entrevoir que peu d’espoirs.

Dans ces conditions, le SNUipp-FSU continuera, comme il l’a toujours fait, à porter les revendications des personnels sur les questions de métiers, les carrières et le fonctionnement de l’école. Il défend une école émancipatrice qui accueille tous les élèves et respecte celles et ceux qui la portent à bout de bras au quotidien.