C. Marty : « Une réforme régressive »
Mis à jour le 11.12.19
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Christiane Marty, ingénieure-chercheuse, est militante au sein de l'association Attac
Quel bilan de notre système actuel de retraite ?
Christiane Marty : Par rapport à d’autres pays, il est plus avantageux car il permet d’assurer un niveau de vie moyen des retraités et retraitées équivalent à celui de la population active. Mais, d’une part, cette moyenne masque de fortes disparités et d’autre part, l’évolution est très défavorable sous l’effet des réformes passées et le niveau des pensions ne cesse de baisser.
Les inégalités entre les femmes et les hommes en particulier sont très importantes. La pension moyenne de droit direct des femmes est ainsi inférieure de 42 % à celle des hommes. C’est-à-dire un écart supérieur à celui sur les salaires qui est en moyenne de 24 % tous temps de travail confondus. Le calcul de la pension, qui prend en compte à la fois les salaires et les durées de carrière, amplifie donc les inégalités de salaire… et cela, malgré l’existence de dispositifs de solidarité, liés aux enfants notamment, qui bénéficient le plus aux femmes.
La retraite à points, une réforme régressive ?
C.M. : Oui car un régime par points vise à ce que la pension d’une personne reflète au plus près la somme des cotisations versées pendant sa vie active. Il intègre une part bien plus faible de solidarité, donc assure moins de redistribution. C’est une logique d’individualisation. En prenant en compte l’ensemble de la carrière, au lieu des 25 meilleures années pour le régime général ou des six derniers mois pour la fonction publique, un régime par points ne peut que faire baisser les pensions des personnes aux carrières heurtées, les femmes principalement, ainsi que celles de très nombreux fonctionnaires. Il intègre en effet les plus mauvaises années de salaire dans le calcul de la pension, alors qu’elles en sont éliminées actuellement. Chaque période non travaillée, temps partiel, congé parental, chômage fournirait peu ou pas de points, autant de manque à gagner pour la pension.
Quelles conséquences pour les enseignants et les enseignantes ?
C.M. : Pour tenter de compenser la baisse de pension des fonctionnaires qui résulterait de cette réforme, il est prévu que leurs primes soient intégrées dans le calcul de la pension, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Mais rien ne garantit que cela suffise, tout dépend de leur montant. Dans de nombreux métiers, l’enseignement notamment, il n’y en a pas ou peu. Les femmes fonctionnaires perçoivent des primes significativement moins élevées que les hommes. Le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a reconnu que « la réforme peut créer des problèmes pour les enseignants ! »
En quoi les enseignantes seraient-elles plus impactées ?
C.M. : Pour limiter un peu ces effets négatifs, le gouvernement envisage une augmentation des rémunérations sur la base d’une augmentation des indemnités ou des parts variables de rémunération. Mais ce sont des dispositifs qui sont défavorables aux femmes du fait de leur temps global plus contraint.
Qu’en serait-il des droits familiaux ?
C.M. : Le gouvernement présente la réforme comme favorable aux femmes en annonçant qu’une majoration serait attribuée « dès le premier enfant ». Comme si cela n’existait pas aujourd’hui ! Il est prévu une majoration de pension de 5 % par enfant attribuée au choix à la mère ou au père, avec le risque que les couples choisissent de l’attribuer aux pères du fait de leur pension généralement supérieure. Elle remplacerait à la fois la majoration de 10 % de la pension pour trois enfants et plus attribuée aux deux parents et les majorations de durée d’assurance par enfant. Dans la fonction publique, deux trimestres par enfant attribués à la mère au titre de la maternité, complétés éventuellement par une validation de période d’interruption d’activité pour l’un ou l’autre des parents. C’était quatre trimestres par enfant avant la réforme de 2003. Difficile de voir en quoi ce serait plus avantageux, surtout que les mères de trois enfants y perdent à coup sûr. Enfin les droits à la pension de réversion, 90 % des bénéficiaires sont des femmes, seraient fortement réduits.