« Changer de priorités »

Mis à jour le 25.11.19

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Daniel Curnier explique le rôle de l'école face aux défis écologiques d'aujourd'hui

Face aux défis écologiques, l’école a son rôle à jouer, rappelle Daniel Curnier, mais cela nécessite des changements de grande ampleur.

daniel curnier © Olivier Vogelsang

Daniel Curnier est chercheur suisse en sciences de l’environnement, auteur d’une thèse et de nombreux articles sur le rôle de l’école dans la transition écologique.

Face aux défis écologiques, quel rôle peut avoir l’école ?

L’école en France, en Suisse et dans les autres pays de l’OCDE doit jouer son rôle dans la transition écologique. Pour cela, il faudrait engager trois niveaux de changement. Le premier, l’évolution des contenus d’apprentissage, a débuté. Le deuxième niveau consiste à promouvoir les outils dont auront besoin les futurs citoyens pour participer activement à cette transition écologique. Cela nécessite de permettre aux élèves de développer, comme le prône l’Unesco, des compétences de pensée complexe, de pensée critique, de pensée prospective et transformative, de réflexion éthique ou de passage à l’action. Le troisième niveau de changement nécessaire est celui de la structure même du système éducatif comme les grilles horaires, les modalités d’évaluation.

Y a-t-il une évolution dans ce sens ?

D.C. : Actuellement l’école, à l’image de l’ensemble de la société, commence à agir. Les questions environnementales sont de plus en plus présentes dans les programmes. On a renforcé le travail sur la biodiversité ou les changements climatiques. Les éco-gestes sont également encouragés : tri des déchets, économies d’énergie, action sur l’alimentation, les transports… Néanmoins, il y a un décalage temporel entre ce que nous dit la science sur les dégradations de l’environnement depuis 50 ans et les évolutions actuelles. Cela reste des mesures à impact très faible et dépendant des volontés locales. Éduquer en vue d’une transition écologique n’est pas la priorité des ministères. Cela est souvent présenté comme « l’une des priorités », comme l’a fait Jean-Michel Blanquer lors de sa conférence de presse de rentrée mais sous la pression de la rue. Dans la réalité, cette priorité écologique est vite diluée dans un projet éducatif orienté vers le lire, écrire, compter, manier le numérique, soit les compétences de base à donner aux futurs travailleurs pour qu’ils soient productifs dans un système de plus en plus robotisé.

Qu’est-ce qui manque ?

D.C. : Ce qui pêche principalement, c’est de ne pas agir sur la structure même du système éducatif. Tant qu’on aura un temps scolaire découpé en séances de 45 minutes, un déséquilibre dans les disciplines et une évaluation centrée sur les langues et les maths, nous ne progresserons pas. Il faut des espaces pour travailler l’interdisciplinarité, une ouverture de l’école sur le monde. Fondamentalement, il faut changer de priorités éducatives pour former des citoyens capables de mener cette transformation sociétale. Un des grands défis est de faciliter la collaboration entre enseignants pour bâtir des projets, et pas seulement lors de « semaines spéciales environnement ». Pour cela il faut du temps de concertation et donc revoir le temps de travail enseignant et la formation.

“Faciliter la collaboration entre enseignants pour bâtir des projets et pas seulement lors de semaines spéciales”

Quelle articulation avec les autres acteurs ?

D.C. : L’école est le lieu de la lenteur, là où se construisent les citoyens à venir, avec un horizon à 20 ans, elle ne peut donc pas être la seule responsable d’un tel changement. Les autres secteurs doivent changer plus rapidement : l’industrie, la finance, les institutions politiques, l’agriculture… Il faut en outre réfléchir à comment l’école interagit avec les collectivités et les acteurs locaux. Longtemps elle a été considérée comme un lieu sécurisé d’apprentissage. Il faut conserver une partie de cette protection mais ménager des espaces de rencontres et de projets avec la mairie, les associations… Si l’on veut que nos futurs citoyens développent une capacité à agir, ils doivent pouvoir s’entraîner. Ce n’est pas à eux de changer le monde mais ils peuvent déjà participer à changer leur environnement proche, en collaboration avec les adultes. Des actions sont à mener également sur le bâti scolaire. On ne peut pas enseigner à des élèves un idéal de neutralité carbone dans des lieux qui sont aux antipodes de ce discours. Il est aussi essentiel d’agir sur la dimension fortement symbolique de l’alimentation : cantines bio, circuits courts, préparation des repas par des apprentis cuisiniers plutôt que par des entreprises privées. Avec un tel volume de commandes, l’État peut peser sur l’approvisionnement et les techniques agricoles.

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