Ecole sous protocole

Mis à jour le 17.06.20

5 min de lecture

Reportage à Capbreton où l'école Saint-Exupéry s'adapte aux aléas de la réouverture.

« La classe, en ce moment, ça se fait en tâtonnant au fil des jours », explique Isabelle Mabillet, enseignante en MS-GS et directrice de l’école Saint-Exupéry de Capbreton dans les Landes. Il faut dire que dans cette école, sur les 162 élèves inscrits, 103 sont déjà revenus. La reprise du travail des saisonniers de la côte atlantique finira de remplir les effectifs dans les semaines à venir. Il faut donc aménager des rotations pour pouvoir accueillir les enfants en respectant le protocole sanitaire. À part la classe des petites sections, où les enfants viennent un seul jour et un vendredi sur trois, les autres classes sont divisées en deux groupes à mi-temps. « Mais dans la réalité, c’est un peu l’école à la carte », précise Isabelle. « Ils viennent de manière irrégulière, selon des problématiques familiales très diverses ».
Ce nombre de retours important, dès le départ, a permis à chaque enseignante de garder sa classe et de la suivre en deux groupes. Pour les jours sans classe, c’est aussi du sur-mesure. Au début, pour ceux qui n’étaient pas revenus, les enseignantes proposaient des padlets avec des activités, comme durant le confinement, mais les familles ont exprimé leur lassitude et ont réclamé des documents papier.
À présent, l’équipe fournit des enveloppes avec des fiches que les parents récupèrent en « drive »… ou pas. « Ce sont souvent des activités décrochées, des exercices d’entraînement, une sorte de cahier de vacances. Ce n’est pas satisfaisant, cela donne une impression de travail mais cela reste très occupationnel. Nous n’avons pas trouvé mieux car tout le monde sature des sollicitations en distanciel », commente Isabelle, inquiète aussi de l’écart creusé avec les quelques élèves dont elle n’a plus de nouvelles.

Ecole sous protocole

Perpétuels ajustements

En classe aussi, c’est une adaptation permanente. Les premiers jours, il y a eu peu d’apprentissages, le temps passé à expliquer les règles sanitaires, les nouveaux fonctionnements et à écouter les enfants étant considérable. Ils ont dessiné et parlé de leur confinement, du retour à l’école et de ce qu’ils savaient du virus. Un travail sur les émotions ayant été fait en début d’année a permis de réinvestir le vocabulaire. « Le COVID, il n’est pas gentil avec les personnes âgées », disait Maya.
Les ressentis sont très divers et des enfants ont du mal avec cette nouvelle forme d’école. « Pour certains, l’adaptation a été très rapide, alors que pour d’autres, malgré ce qui est mis en place, le sentiment de malaise est toujours là ». Il faut dire que la classe a été entièrement réaménagée et repensée. Coins jeux, tables en groupes et ateliers ont disparu. Chaque enfant dispose de deux tables avec des caisses individuelles contenant des feutres, du papier, un jeu de construction, de la pâte à modeler, des perles, une ardoise, des carte-lettres, des ciseaux, des fiches, leur cahier de production écrite… Les plans de travail sont devenus individualisés.

Séparé.es mais ensemble

Pour rassurer les enfants, l’enseignante a ritualisé rapidement les premiers moments de classe. « Nous avons repris des activités qu’ils connaissaient afin de redonner des repères spatiaux temporels après un vrai décrochage de rythme. Nous sommes aussi repartis des apprentissages du mois de mars et nous avons commenté les référents affichés, en jouant à retrouver à quelles activités ils correspondaient et à les réutiliser en écrivant des phrases en copie active. » Un autre défi a été de recréer du collectif dans un aménagement et un fonctionnement très individualisé. Pour retisser du commun, les élèves partagent la lecture de l’album « petite tâche » et s’entraînent à le raconter. Ils enregistrent des capsules videos de la chanson d’Aldebert ou écrivent un poème avec les prénoms de la classe pour les camarades de fin de semaine qui le complèteront. Un projet en arts visuels proposé par un collectif d’artistes, avec une exposition dans un ancien centre commercial désaffecté et réinvesti, permet aussi des productions conjointes.

« Chacun s’accommode mais ce n’est pas l’école maternelle »

Vivement demain

Évidemment, dans cette école remaniée, enseignant.es comme ATSEM apprécient les petits effectifs qui permettent une observation facilitée et plus d’attention à chaque enfant. « Mais c’est stressant, on a l’impression d’être sans arrêt derrière eux pour leur rappeler les règles », témoigne Aline, l’ATSEM de la classe. « Je préférais vraiment avant. C’était plus dynamique. Il y a comme un ennui ». Un sentiment partagé par la maîtresse qui déplore ce retour aux fiches et regrette les espaces jeux et les échanges langagiers, les réflexions autour de défis, d’expérimentations, de construction. Les enfants aussi se plaignent de ne pouvoir jouer ensemble et ont « envie que cela soit fini et de faire comme avant », confie Gabriel. « Chacun s’accommode, c’est calme, mais ce n’est pas l’école maternelle », conclut Isabelle. « C’est trop éloigné des échanges qui devraient se faire entre enfants et de ce qui se vit dans une école ».

Maryse Métra, psychologue- vice-présidente de l’AGSAS (Associations des groupes de soutien au soutien)

Maryse Métra

Le protocole sanitaire bouscule-t-il l’école maternelle ?

Les enfants y sont plus jeunes et ont moins accès aux concepts abstraits. Ils ont besoin d’expérimenter, de jouer, d’agir... des actions limitées par les règles sanitaires. Le développement de l’enfant peut se décliner sous différents aspects complémentaires et étroitement imbriqués. Le cognitif, l’affectif, le social et le corporel sont mis à mal par le protocole sanitaire.

Quelles solutions envisager ?

Faire confiance aux enseignants, acteurs de terrain responsables qui souhaitent répondre aux besoins de leurs élèves, parmi lesquels une bonne santé physique et psychique. L’école ne doit pas devenir l’espace des interdits, elle doit rester celui des possibles et de la créativité, du vivre ensemble, malgré le coronavirus.

Des aménagements sont-ils possibles ?

Pour garantir un espace de travail sécure aux élèves, il faut être soi-même au clair avec les règles qu’on propose. Si, à un moment, on doit en transgresser quelques-unes, comme prendre la main d’un enfant qui pleure, on est en mesure de l’expliquer et de rassurer. On ne doit pas renvoyer les familles et les enseignants dos à dos, c’est ensemble qu’on s’en sortira.

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