ÉVALUATIONS : AIDE OU OBSTACLE ?

Mis à jour le 30.08.24

3 min de lecture

Une société et un monde de plus en plus évalués

La généralisation des évaluations nationales s’inscrit dans une société et un monde de plus
en plus évalués, où l’école est sommée de rendre des comptes.

Depuis plus de 30 ans, les élèves, les enseignant·es, les établissements mais aussi les composantes des systèmes éducatifs (coût, efficacité, qualité, ressources) sont évalués au travers d’évaluations internationales : PISA, TIMSS, PIRLS. Majoritairement centrées sur le rendement scolaire, elles évaluent les acquis cognitifs des élèves dans différents domaines avec une nette priorité aux disciplines dites fondamentales : lecture, mathématiques, sciences. La publication des résultats mis en relation avec différents éléments de contexte est fortement relayée par la presse sous le mode « déploratoire » depuis les années 80. Des évaluations qui influencent de plus en plus les réformes et les modes d’évaluation des politiques publiques.

LA FRANCE N’Y COUPE PAS

Comme d’autres pays (Québec, États-Unis), la France est marquée par la recherche de constitution de données les plus fiables possibles susceptibles « d’identifier des solutions aux différents problèmes auxquels ils [les systèmes éducatifs] font face : abandon scolaire, échecs scolaires, piètres résultats aux épreuves internationales, redoublement, inclusion scolaire, attrition des enseignants, etc… »*. En effet, si le système français a connu sa première expérimentation des évaluations en 1974, depuis, celles-ci se sont multipliées (rapports, tests standardisés, enquêtes internationales) et sont effectuées par de nombreuses instances (Depp, Inspection générale, Cnesco, Cour des comptes, …).

Les données probantes – qui visent à fonder les pratiques éducatives sur des preuves scientifiques de leur efficacité – font leur entrée dans la politique éducative avec l’arrivée au ministère de Jean-Michel Blanquer et la création du conseil scientifique de l’Éducation nationale. Elles s’accompagnent d’instruments de planification, de contractualisation et de redditions de comptes (voir interview ci-contre).

La généralisation des évaluations nationales standardisées s’inscrit dans cette logique. « Il s’agit d’établir de façon la plus précise et correcte possible les niveaux d’acquisition des connaissances et compétences des élèves, souligne Lucie Mottier Lopez**, professeur à l’université de Genève, une évaluation de la sélection et de la compétition » qui « sanctionne les erreurs des élèves ». Sans compter que « les élèves de classe populaire peuvent craindre de confirmer le stéréotype négatif relatif à leur groupe social d’appartenance ou d’être jugés conformément à ce stéréotype », rapporte Sébastien Goudeau**, maître de conférence en psychologie. Une menace qui engendre du stress, des émotions et des pensées négatives pouvant perturber la performance lors de la réalisation d’une tâche.

ENSEIGNER, UNE ACTIVITÉ COMPLEXE

L’acte éducatif est un phénomène complexe à observer qui ne peut se limiter à des données mesurables et quantifiables. L’environnement, les pratiques, l’implication des élèves, PE, adultes non enseignants présents dans l’école, parents, etc., sont autant de facteurs difficilement quantifiables qui influent sur la réussite des élèves.

Tout ce pan de l’éducation est ignoré par les données probantes et par les évaluations standardisées. Sans compter que ces évaluations ont des effets pervers bien connus comme le « teaching to the test » où l’existence même des évaluations incite les PE à enseigner plus particulièrement les items qui font l’objet des tests standardisés. La FSU-SNUipp avait alerté le ministère sur les dérives possibles d’un tel fonctionnement dès sa création en 2018 et s’y est fortement opposée. Pour le syndicat, ces évaluations ne sont ni au service des élèves, ni des PE, ni des familles.

* Les données probantes de l’éducation, chapitre 1. Éd. De Boeck Supérieur.
** Paroles d’experts issues du rapport CNESCO.

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