La FI et la prise de poste, ensemble
Mis à jour le 25.05.21
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Interview de Samuel Renier, maître de conférences en sciences de l'éducation
"Réfléchir, dans le même temps, la formation initiale et la prise de poste"
Samuel Renier est maître de conférences en sciences de l'Education à l'Université de Toulouse
Quelles sont les compétences requises pour être professeur des écoles
C’est une question difficile, pour un métier à la fois essentiel et complexe. Les compétences sont nombreuses, plurielles et relèvent à mon avis de trois niveaux. Bien sûr, il y a les savoirs nécessaires pour permettre les apprentissages, mais peut-être surtout des compétences psychosociales pour accompagner le développement des élèves et leur insertion future dans la société. Un deuxième niveau est celui de l’appétence à travailler avec d’autres et la possibilité de rejoindre et de participer à un collectif de travail. On ne doit plus rester seul face à ses élèves et il y a quelque chose d’incontournable dans le fait de pouvoir travailler en équipe. Être PE aujourd’hui, c’est enseigner au sein d’une équipe pédagogique qui travaille en accompagnement collectif des élèves. Le troisième niveau est la capacité à développer des savoirs et des compétences pour soi, qui permettent de se situer dans une identité professionnelle mais aussi dans un parcours de vie. Il est plus que jamais nécessaire d’apprendre tout au long de sa vie, dans une carrière de plus en plus longue et dans un contexte qui vient souvent questionner et remettre en cause les pratiques acquises.
Quelle formation cela nécessite-t-il ?
Quelques points me paraissent saillants. La formation doit rester de haut niveau, notamment sur les savoirs fondamentaux car le PE est un professionnel généraliste, mais aussi et surtout dans la pensée et la réflexion. Pour cela, elle doit s’inscrire dans la durée. Par comparaison, en Suède, la formation des enseignants commence dès la première année de la licence et se déroule sur environ 4 ans. C’est un cadre intéressant qui peut permettre de travailler avec les futurs professionnels autrement que ce que l’on fait actuellement. Il faut également réfléchir, dans le même temps, la formation initiale et la prise de poste. Elles devraient davantage être pensées en cohérence et articulées en s’appuyant sur les savoirs issus de l’expérience. Tout ne peut pas être abordé en formation initiale, c’est pourquoi il est intéressant d’y aborder les conditions qui permettent de faire face aux situations inattendues. Pour reprendre la formule de Michel Fabre, il s’agit d’« éduquer pour un monde problématique ». La formation doit s’appuyer sur la dynamique de l’alternance et permettre de travailler les interfaces, c’est-à-dire l’articulation entre le vécu extérieur à la formation et le vécu sur le lieu de formation, à l’image du « quoi de neuf ? » ou d’autres formes de travail qui permettent d’établir des conjonctions. Le seul qui a une vue d’ensemble, c’est le stagiaire, il faut donc l’accompagner dans le passage des frontières et mettre en commun les découvertes, les difficultés et les questions.
Comment prioriser des contenus ?
Il est important de trouver un équilibre entre les éléments de contenu curriculaire et les compétences psychosociales et de travail en équipe. Autrement dit, il faut concevoir la formation entre une logique de contenu et une logique de développement humain. Elle doit être attentive aux temporalités et prendre en compte les progrès de chacun et chacune des stagiaires. On court toujours le risque d’enchaîner les contenus disciplinaires sans prendre en compte les rythmes de la formation, le vécu et des évolutions de l’apprenant. En ce sens, la question de l’agir collectif et de l’accompagnement collectif se pose également dans la formation. Il s’agit enfin d’être attentif aux détours, aux chemins pris par les unes et les autres, et qui parfois, paradoxalement, permettent au final de gagner du temps.
Le projet de réforme qui arrive permettra-t-elle d'y répondre ?
D’abord, il ne sert à rien de tout faire reposer sur la formation initiale. Elle doit se penser aussi avec la suite, dans une logique de formation tout au long de la vie, comme un fil qui commence et se poursuit dans une dynamique assez forte. En ce sens, il me semble qu’elle doit s’accompagner d’une vraie réflexion, d’un plan pour la formation continue, qui reste encore en chantier. Il est toujours difficile de prévoir les retombées d’une réforme sans l’avoir vue à l’œuvre. De manière pragmatique, il y un point de vigilance à avoir sur le rythme des réformes et sur les dialogues qu’elles induisent pour l’ensemble des acteurs. Si on souhaite qu’une réforme aboutisse, il faut la construire collectivement. Ce changement de culture me semble encore, probablement, à construire.