"Le souverain est collectif"
Mis à jour le 07.10.21
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Interview de Claude Lelièvre à propos de la direction d'école
CLAUDE LELIÈVRE est professeur émérite d’histoire de l’éducation, auteur de « L’école d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire » Ed Odile Jacob
Les annonces d'Emmanuel Macron répondent-elles aux difficultés de la direction ?
La problématique de la direction d’école est réelle. Au cours du temps, il y a eu des changements dans les tâches de direction, devenues de plus en plus intenses et complexes sans qu’il y ait d’aide administrative : liens avec la commune, l’académie, augmentation du nombre d’élèves pris en charge. Compte tenu de la tradition dans l’école primaire, il n’y a aucune raison que l’idée bonapartiste d’imposer un chef hiérarchique fort soit généralisée. Le fait que le directeur soit un pair parmi les pairs doit être préservé. Aller dans le sens d’une direction très hiérarchisée ne résout pas les difficultés. Au contraire, le danger est grand que le pair parmi les pairs se transforme en petit chef et rencontre éventuellement l’hostilité des enseignants. Penser que tout va mieux se passer, qu’il y aura plus d’espace-temps pour les différentes tâches est illusoire, il n’y a rien de magique.
Quelle vision de l'école sous-entendent-elles ?
Ce qui est frappant, c’est que depuis une dizaine d’années, la droite se prononce pour un renforcement du pouvoir des chefs d’établissement, en particulier dans le primaire lui-même. Avant les présidentielles, on va, y compris par la parole du chef de l’État, vers une direction à la fois autoritaire et libérale. C’est une vision verticale de l’école où on ne fait pas foncièrement confiance aux enseignants. C’est paradoxal, alors que leur formation, leur statut et leurs qualifications sont de haut niveau, ils sont traités en exécutants. C’est contraire au sens de l’histoire.
De quoi l'école a-t-elle besoin ?
Il faut réfléchir à comment faciliter les tâches du directeur, à leurs différents niveaux de responsabilité, dans l’espace-temps qui leur est dévolu. Comment et par qui devrait-il être aidé ? La tradition dans le primaire est de réclamer la liberté pédagogique et plus de maîtres. Il faut donc penser une autonomie collectivement mieux assurée avec des marges d’action renforcées. Une autonomie qui n’est pas celle du simple chef d’établissement mais celle de l’équipe. Avoir une version républicaine du pouvoir. Être républicain, c’est considérer que le souverain est collectif et que chacun est co-souverain.