Quartier prioritaire à Tourcoing

Mis à jour le 20.11.18

min de lecture

ZUP de la Bourgogne, dans l'ancienne cité textile, écoles et associations tissent du lien

À la ZUP de la Bourgogne, quartier prioritaire de l’ancienne cité textile, écoles et associations œuvrent chaque jour à maintenir le dialogue.

Pas de tours à perte de vue dans la ZUP de la Bourgogne, quartier nord de Tourcoing (59) mais des constructions en brique de un à quatre étages, quelques maisons et une verdure omniprésente. À sa construction dans les années 60, le quartier s’est même rêvé cité idéale comme de nombreuses villes nouvelles de l’époque. S’y installent les jeunes couples de toutes origines sociales, « Des professeurs, des médecins, c’était le must ici », se souvient Salim Achiba, adjoint à la vie associative, « les logements étaient de haut standing, avec salle de bains. Il y avait une ambiance de village », ajoute Alain Mezrag, travailleur social et ancien élu. Les usines textiles tournent à plein régime et nécessitent une main d’œuvre importante venue de toute la France mais aussi de Pologne et du Maghreb. 

Tourcoing

Puis, comme ailleurs, les crises pétrolières puis les délocalisations font des ravages. L’emploi s’en va et les populations restent. Plus de 7 000 habitants encore aujourd’hui. Le chômage s’installe, 44 % de la population du quartier le subit de plein fouet avec « le désespoir et la rage qui vont avec », appuie Alain Mezrag. Les commerces et les classes moyennes et supérieures partent. La Redoute et les tissages Lepoutre laissent derrière eux des friches, vastes paquebots de brique à l’abandon.

POPULATION JEUNE

Peu à peu la Bourgogne se ghettoïse. Sur le terreau de la pauvreté, progressivement, délinquance et vandalisme viennent noircir son image. À la mixité d’origine succèdent des phénomènes de « repli communautaire », témoigne un travailleur social. Dans ce contexte, le chantier de la mosquée sur la place génère des questions, « Les femmes nous demandent quelle sera la future obédience », rapporte Harold George, directeur du centre social. Cet été, la mort d’un jeune a échauffé les esprits et un hommage rendu dans son ex club de foot l’ASBT, avec femmes d’un côté, hommes de l’autre, a conduit au gel des subventions municipales car, « la confiance était rompue avec le président », commente Salim Achiba. Depuis le président a changé et le club repart sur de nouvelles bases. Une bonne chose car les structures sportives sont essentielles dans le quartier. La population est la plus jeune de la ville, plus de 40 % de moins de 25 ans. « Des parents récemment arrivés en France, ne parlent pas français », note Nathalie Willemetz, directrice de la maternelle Claudel qui a déployé une communication adaptée, « Le cahier de liaison, ce n’est pas la peine. Nous construisons des affiches imagées avec les enfants puis nous réexpliquons à l’oral ». 

Même travail de fond à l’école Camus qui porte ses fruits : « L’équipe est stable, soudée », insiste Yves-Marie Jadé, secrétaire départemental du SNUipp, « Les familles nous connaissent, dès qu’il y a une tension, on se parle », explique Marie Prodéo, directrice de l’élémentaire depuis vingt ans. Café des parents, invitation en classe contribuent à expliciter le rôle de l’école et à détendre les relations.

QUEL IMPACT POUR LES ÉCOLES ?

Ce qui préoccupe les écoles, toutes en Rep+, c’est l’impact de la rénovation urbaine à venir. Pour la maternelle Chateaubriand, c’est clair : « L’école sera détruite, elle est sur le trajet de la future Grande allée », regrette la directrice Aurélie Colette, « C’est dur pour tout le monde et on manque d’informations. » Même impression écoles Claudel ou Descartes : quid des destructions ? Quelle baisse des effectifs puisque 30 % des relogements se feront hors du quartier et autant hors de la ville ? 

Ce n’est pas auprès de la mairie que l’on obtiendra des précisions. L’adjoint à la Rénovation urbaine ne répond pas aux questions. Il faut rejoindre une assemblée de quartier un vendredi soir pour observer d’un côté les officiels en costume maniant la novlangue urbanistique : « déconstructions » et autre « nouvelle polarité commerciale ». De l’autre : un maigre public populaire préoccupé de savoir quand et où il sera relogé, pour quel loyer. « L’ANRU c’est bien mais cela va surtout déplacer la misère », commente Marie-Odile Vautrin, présente à chaque réunion. La population de la Bourgogne est la plus démunie de la ville, 7 000 € de revenu médian annuel et près de 60 % sous le seuil de pauvreté. « Sur les sept critères de vulnérabilité de l’observatoire Compas-Tis*, le quartier en réunit cinq, dont le nombre d’enfants ou le type de logement », précise Harold George. Face à ces familles fragilisées, le CS développe tout une série d’actions aux finances de plus en plus serrées. « Le lien avec les familles se fait au centre social. Quand il y a des tensions, on trouve les mots pour apaiser », ajoute Sabria Mekhannene, jusqu’à il y a peu coordinatrice de l’accompagnement scolaire. 

D’autres associations comme Objectif emploi offrent un espace « pour accueillir et prendre le temps d’écouter les gens », explique son président Yannick Kabuika qui participe aussi avec les habitants au « plan d’accompagnement au changement » prévu par l’ANRU. « Les gens souhaitent une salle polyvalente car il n’y a nulle part pour se réunir ». Prévue à l’origine du quartier, elle n’a jamais vu le jour, comme d’autres équipements, rappelle Alain Mezrag : « Où est la place de l’humain, du mieux vivre ensemble ? Tout cela ne sert à rien si on ne réfléchit pas à un projet social partagé à court, moyen et long terme. »

En bref

La ZUP tourquennoise a été retenue parmi les 200 projets du Nouveau programme national de renouvellement urbain dit « ANRU 2 ». Le précédent a concerné d’autres quartiers de la ville, comme Belencontre pour 250 millions d’euros. D’ici à 2027, l’objectif est d’« ouvrir le quartier et le rendre plus attractif », le « reconnecter » au centre via la percée d’une Grande allée, de diversifier l’habitat, réorganiser les écoles et créer une halle commerciale. Sur les 2 400 logements, 1 300 seront détruits et un millier réhabilité. Les premières « déconstructions » sont prévues en 2020, avec trois offres de relogement pour les locataires.

D’année en année les finances des associations du quartier sont plus serrées. Le centre social prévoit cette année un léger déficit et, faute de clarté sur les budgets alloués, il cesse, comme les autres structures de la ville, l’action-phare « Diapason » d’accompagnement scolaire. Il perd également ses contrats aidés, dont les emplois avenir dédiés à la médiation avec les jeunes. Même constat dans d’autres associations comme « L’école avec les parents », beaucoup moins active depuis qu’elle a perdu sa salariée.

Le site de l’ancien tissage Lepoutre devrait devenir un « pôle d’excellence économique », siège de nouvelles sociétés. Les urbanistes ont compris ces dernières décennies la force architecturale des anciens sites industriels du Nord, longtemps laissés à l’abandon voire détruits. Certains sont devenus lieux culturels comme la Condition publique à Roubaix ou musées : les Archives du monde du travail aux allures médiévales avec son pont-levis.

Écrire à la rédaction

Merci de renseigner/corriger les éléments suivants :

  • votre prénom n'a pas été saisi correctement
  • votre nom n'a pas été saisi correctement
  • votre adresse email n'a pas été saisie correctement
  • le sujet n'a pas été saisi correctement
  • votre message n'a pas été saisi correctement

Merci de votre message, nous reviendrons vers vous dès que possible