"Travail contrarié"

Mis à jour le 28.01.20

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Une interview de Frédéric Grimaud

Frédéric Grimaud est professeur des écoles et chercheur en sciences de l’éducation. Il vient de publier Le travail contrarié de la direction d’école, aux éditions Syllapse.

Frédéric Grimaud

Directeur ou directrice, est-ce un « métier » ?

Frédéric Grimaud :  Tout d’abord dans nos travaux de recherches, nous partons du principe que la direction d’école est un travail. C’est cette activité de travail que nous observons, discutons, analysons pour comprendre les arbitrages que font les directrices et directeurs pour réaliser leur tâche. L’ouvrage que nous avons réalisé objective et met en lumière cette activité de travail faite de micro-décisions, de dilemmes, de doutes... Mais pour faire leurs choix, elles et ils peuvent compter sur un genre professionnel, sur une mémoire collective, qui non seulement réorganise leur tâche mais aussi facilite son exécution. L’analyse du genre professionnel qui s’intercale entre l’individu et le collectif nous permet de dire qu’être directrice ou directeur d’école c’est bien un métier, dans ce sens où l’activité s’inscrit dans une histoire et une culture partagée.

Vous parlez de travail « contrarié », pouvez-vous expliquer ce terme ?

F.G. :Les champs théoriques auxquels nous nous référons ont depuis longtemps révélé l’écart qui existe entre « ce que le travailleur pense qu’il devrait faire pour un travail de qualité» et « ce qui est attendu de lui ». C’est ce travail, à la qualité empêchée, qui est source de perte de sens pour le travailleur, qui le poursuit jusque dans sa vie privée, qui altère sa santé. À ce terme consacré de « travail empêché », les directrices et directeurs avec lesquels nous avons travaillé ont préféré le terme de « travail contrarié », en voulant signifier par là au chercheur que, quoi qu’il en coûte, la tâche qui leur est prescrite est effectuée. Le travail « contrarié » de la direction est cette somme d’activités « en souffrance» qui amène que les personnels ne se reconnaissent plus dans ce qu’ils et elles font, dans la qualité de leur travail… alors même que la tâche est effectuée. Effectuée « malgré tout», pourrait-on dire.

Quels exemples de « contrariétés » traversent cette fonction ?

F.G. : À chaque rencontre nous découvrions une ou plusieurs nouvelles « contrariétés » qui ont alors été mises en discussion. Par exemple, lorsqu’une directrice doit réaliser une tâche propre à la direction : répondre au téléphone, accueillir un visiteur, gérer un conflit… alors qu’elle est en classe, c’est la qualité de son travail de direction et d’enseignante qui souffre. Autre exemple que nous avons abondamment commenté et détaillé dans notre ouvrage : la gestion de l’école lorsqu’un PE est absent. La qualité du travail de direction : « assurer le bon fonctionnement de l’école » est fortement impactée par l’incapacité de l’administration non pas tant à remplacer le personnel absent, mais surtout de fournir une réponse claire sur le sujet. On mesure alors le poids d’une organisation défaillante du travail dans la qualité « contrariée » du travail des directrices et des directeurs d’école.

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