"Un métier différent"

Mis à jour le 04.02.20

min de lecture

Interview de Cécile Roaux sur la spécificité de la fonction de directeur et directrice.

Cécile Roaux, formatrice, chargée de cours et chercheure associée au CERLIS à l’Université Paris- Descartes.

Cécile Roaux

Quelle est la spécificité de la direction d’école en France ?

Cécile Roaux : La direction d’école primaire en France est une fonction inscrite dans une organisation fortement pyramidale et hiérarchisée, centralisée. Aussi, elle est à la fois perçue comme une émanation du pouvoir central et de la « bureaucratie » et en même temps, par son absence de statut hiérarchique, comme une sorte de rempart contre les « intrusions » de la hiérarchie ou de toute remise en cause extérieure du travail des enseignants. Le refus d’un statut hiérarchique par les enseignants reste très fort et il est historiquement construit, depuis le XIXème siècle. Il exprime une forte méfiance contre ce que pourraient être les excès autoritaristes de directeurs trop… directifs. Enfin il ne faut pas oublier que contrairement à bien des systèmes scolaires, il y a une forte distinction entre le directeur d’école et le personnel de direction du second degré, non pas tant dans les missions qui leur incombent respectivement que dans les moyens humains et matériels et à la reconnaissance qui leurs sont accordés.

Pourquoi parlez-vous d’un entre-deux inconfortable ?

C.R. : On a d’un côté un directeur désigné par l’institution comme seul responsable du bon fonctionnement de l’école mais sans bénéficier de leviers organisationnels pour réaliser les missions qui lui sont demandées. Il leur faut fonctionner à la séduction et à l’évitement des problèmes ou à l’épuisement. D’un autre côté des collègues qui les cantonnent trop souvent à un « sale boulot » et à la part refusée du métier comme les tâches administratives, la gestion des élèves les plus difficiles ou encore des parents jugés trop intrusifs.

Ils doivent pouvoir bénéficier d’une solide formation avec des apports sur les théories et les pratiques des modèles collaboratifs, coopératifs élaborés à partir de la réalité telle qu’elle est, et non telle qu’elle devrait être.

La direction a-t-elle besoin d’un statut spécifique pour devenir un métier à part entière ?

C.R. : Un statut pourrait être une manière d’accéder à la demande de reconnaissance exprimée par les directeurs et directrices mais il ne permettrait pas pour autant de faire l’économie de moyens supplémentaires sérieux. Et en soi cela ne résoudrait pas le problème car c’est aussi un problème « idéologique ». Reconnaître le travail du directeur c’est ne pas considérer celui-là comme du « sale boulot » mais bien comme un métier à part entière, aussi noble que celui de faire classe. C’est une question de division sociale du travail en éducation. Les recherches sur le climat scolaire, mais aussi sur la prévention du harcèlement entre pairs et bien entendu sur la qualité des apprentissages montrent à l’envi l’importance de la cohésion des équipes éducatives, du travail en équipe et de l’animation de celui-ci. Articuler le souci de son travail en classe et l’importance tout aussi légitime du travail en équipe reste un défi majeur, une vraie redéfinition des tâches de chacun, non pas par une imposition hiérarchique mais bien par un débat dans chaque école, entre collègues qui se respectent. Le directeur peut-être un pair parmi les pairs, certes, mais avec un métier différent qui nécessite une autre définition quant à ses compétences et donc sa formation.

Quelles évolutions pourraient permettre d’améliorer l’organisation et le fonctionnement de l’école ?

C.R. : Des moyens, bien sûr, mais qui n’ajoutent pas à la difficulté. Par exemple des personnels de secrétariat formés, titulaires et non des précaires sans compétence réelle qui demandent un suivi au moins aussi chronophage que le travail qu’ils pourraient prendre. Enfin, coopérer n’a rien de naturel et cela induit de potentielles conflictualités. Prendre conscience de cette réalité complexe pour les directeurs d’école est indispensable pour pouvoir la prendre en charge. Ils doivent pouvoir bénéficier d’une solide formation avec des apports sur les théories et les pratiques des modèles collaboratifs, coopératifs élaborés à partir de la réalité telle qu’elle est, et non telle qu’elle devrait être, en s’appuyant pour cela sur l’analyse stratégique des organisations, l’analyse du rapport au pouvoir.

Écrire à la rédaction

Merci de renseigner/corriger les éléments suivants :

  • votre prénom n'a pas été saisi correctement
  • votre nom n'a pas été saisi correctement
  • votre adresse email n'a pas été saisie correctement
  • le sujet n'a pas été saisi correctement
  • votre message n'a pas été saisi correctement

Merci de votre message, nous reviendrons vers vous dès que possible