« À l'école, il faut une éducation par le plaisir, par le rythme. »

Mis à jour le 16.07.17

3 min de lecture

Entretien avec Didier Lockwood, violoniste de jazz, parrain de plusieurs « classes orchestres » en zones d'éducation prioritaire

Dans votre rapport, vous appelez à mieux « Transmettre la musique », c'est-à-dire ?

ImageArt7-428 À l'école, le but n'est pas de former des musiciens mais des mélomanes, des enfants avertis de ce qu'est le langage musical, à quoi il sert, quelles émotions on peut en retirer. Ils peuvent ainsi se faire un avis critique sur ce qu'on leur donne à entendre à longueur de journée et cela les met en contact avec différents répertoires.

La musique est une formidable entrée cognitive, très profitable aux enfants. Cela permet de développer de nombreuses compétences de mémorisation, de concentration, de latéralisation, de motricité en plus du plaisir procuré. C'est pour cela que j'insiste sur le rythme. C'est un vecteur de travail sur les deux cerveaux, pour apprendre à diriger de façon indépendante les différentes parties du corps.

Et je me suis aperçu que le plus important encore était que les enfants travaillent la musique en groupe. Ils apprennent à s'écouter, s'accorder, ils prennent conscience de ce qu'est entrer en harmonie avec l'autre. Quand des enfants pratiquent non pas individuellement mais en ensemble, une plasticité se crée dans le groupe et fait qu'ils apprennent les uns des autres et vite. J'ai vu des classes orchestres réussir à jouer des choses pour lesquelles il faudrait deux ou trois ans en conservatoire.

Quelles évolutions avez-vous constatées ces dernières années à l'école ?

Ce qui a un peu évolué, c'est qu'en éducation artistique en général on a plus donné la possibilité aux enfants de créer, ce qui est important car un enfant jeune n'a pas de barrières. Sur le terrain il y a des gens qui font des choses extraordinaires, des classes orchestres, des fanfares, des chorales.

L'important n'est pas de jouer parfaitement, dans les règles académiques mais de transmettre les passions de cet art, d'incarner la musique, de montrer que ce n'est pas réciter un solfège mais exprimer ce qu'on a de plus profond en soi et de plus particulier. C'est pour cela que vouloir apprendre à lire la musique avant de la jouer est un non-sens à mes yeux. C'est comme si on voulait apprendre à lire et écrire à un enfant avant qu'il ne sache parler.

La musique n'est pas un enseignement sec, uniquement théorique et cartésien, c'est un enseignement vibratoire, on ne peut pas le traiter comme les maths par exemple, il faut un minimum de technique. Mais il faut reconnaître que l'éducation artistique reste le parent pauvre des programmes alors que dans son cursus un élève devrait avoir rencontré la musique, la danse, le théâtre, l'art plastique... dans une pratique. Il faut prendre conscience que ces disciplines sont tout aussi importantes que les autres. Si on veut changer les choses, il faut s'en donner les moyens.

Quels moyens faudrait-il ?

Si on veut véritablement une éducation musicale à l'école, il faut de la formation. Les enseignants du premier degré ont très peu d'heures d'éducation musicale dans leur cursus et souvent optionnelles alors d'un professeur à l'autre les compétences sont très diverses.

Si un enseignant est arythmique il ne peut pas enseigner le rythme. En revanche, un de ses collègues qui a des compétences dans l'établissement peut prendre en charge ce domaine dans l'école, pour toutes les classes. Sinon il faut des professeurs spécialisés, que l'État, les collectivités financent des interventions de dumistes* dans chaque école, avec un parc instrumental. Et encore cet intervenant doit lui aussi être formé à ces techniques de groupe, être multi-instrumental sans être virtuose et se détacher de ses propres pratiques instrumentales pour laisser jouer son intuition.

* Dumiste : titulaire d'un DUMI, diplôme universitaire de musicien intervenant.


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