Analyse des élections présidentielles

Mis à jour le 12.05.22

min de lecture

Itv de Rémi Lefebvre, professeur en sciences politiques

" ON A AFFAIBLI LE MÉCANISME DU VOTE "

Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques et auteur de « Faut-il désespérer de la gauche ? », Ed. Textuel 2022.

FsC 482 Rémi Lefebvre

Comment expliquer l'extrême droite ? 

Depuis plusieurs années, l’extrême droite progresse à l’élection présidentielle. C’est le résultat de plusieurs facteurs. D’un point de vue idéologique, la droitisation du débat public produit des effets. Très tôt, avec la couverture médiatique dont a bénéficié Éric Zemmour, la campagne a été dominée par des thèmes d’extrême droite : banalisation de discours autour des questions d’immigration, d’identité, de sécurité ou encore émergence de notions telles que le grand remplacement, jugé hérétique jusqu’il y a peu. Éric Zemmour, d’abord considéré comme dangereux pour Marine Le Pen, lui a finalement permis de récupérer un électorat de la droite conservatrice, traditionnaliste, bourgeoise. Mais la droitisation du débat public a aussi bénéficié à Emmanuel Macron qui avait tout intérêt à installer un duo-duel avec Marine Le Pen. Second aspect, la captation par l’extrême droite d’une partie du mécontentement social des catégories populaires dites traditionnelles, celles de la France qui va mal, qui a du mal à joindre les deux bouts, d’une partie des gilets jaunes. La montée des inégalités est le terreau de l’extrême droite. Troisième aspect, Emmanuel Macron lui-même. Son style, son mépris de classe ont mobilisé en faveur de Marine Le Pen. 

Et le fort taux d'abstention au second tour ?  

Le Front républicain fonctionne de moins en moins, les citoyens ne jouent plus le jeu du barrage. À force de ne plus voter par adhésion, on a affaibli le mécanisme du vote. J’étais étonné que l’abstention n’ait progressé que de deux points. Globalement les électeurs de gauche sont donc allés voter pour Emmanuel Macron au second tour malgré, souvent, la détestation qu’ils éprouvent pour lui.

Sommes-nous face à un nouveau paysage politique ?  

Oui et non. Nous avons trois blocs. Un bloc d’extrême droite qui affiche un niveau historique avec 33% des votes exprimés. Un second bloc, pro-Macron que je qualifierais d’élitaire car il présente une sociologie très favorisée et va du centre gauche au centre droit, avec tout de même deux tiers d’électeurs de centre droit. Et un dernier bloc, de gauche, plus à gauche qu’avant, dont la force principale est la France Insoumise. Nous sommes donc face à trois blocs, de taille électorale plus ou moins similaire et qui sont extrêmement étanches et polarisés, très opposés les uns aux autres. Emmanuel Macron est condamné à avoir deux tiers d’opposants. D’ailleurs, dans un sondage paru au soir du second tour, 66% des Français disaient vouloir une cohabitation. Ça en dit long sur les dangers de ce système politique qui ne produit plus de majorité propre, pose un énorme problème de légitimité sociale du président et crispe la société.

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