École-familles : ensemble
Mis à jour le 17.01.19
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Les bonnes relations école-familles sont un facteur de réussite des élèves
« Pour construire l’école de la réussite de tous les élèves, une coopération renforcée avec les parents, particulièrement avec les parents les plus éloignés de l’institution scolaire, constitue un enjeu majeur ». Plus de cinq ans après la publication de la loi sur la refondation de l’école et de la circulaire dont est tiré cet extrait, où en est-on de la relation école-familles ? Si le législateur a affiché de belles ambitions, concrètement les obligations de service n’ont pas beaucoup évolué, ou de manière confuse : deux rencontres individuelles ou collectives avec les parents et six heures pour les conseils d’école avec leurs représentants élus. Cependant, l’idée que la collaboration entre les deux parties est un levier d’amélioration des résultats scolaires des élèves fait relativement consensus.
« Partenariat », le concept est même inscrit dans les textes depuis la loi d’orientation de 1989 et poursuivi dans celle de 2013 avec celui de coéducation. Mais pour autant, la mise en œuvre reste embryonnaire et s’avère très complexe. Un véritable statut du parent d’élève délégué n’a toujours pas vu le jour et il est parfois difficile de trouver des parents volontaires pour siéger dans des conseils d’école où leur parole n’est pas toujours légitimée.
Le métier bousculé
Dans un dossier paru en septembre dernier, entièrement consacré aux relations école-familles de la maternelle au lycée, l’Institut français de l’éducation (Ifé) note deux difficultés principales. « Ces évolutions bousculent le métier et la formation au métier, puisque le référentiel professionnel augmente en tâches au-delà de celles d’enseignement stricto sensu et demande aux professionnels de forger de nouveaux gestes de métier ». Ce n’est d’autant pas évident que, comme le souligne Françoise Lorcerie, directrice de recherche au CNRS (lire p19), « travailler avec les parents doit être une volonté d’équipe. Or les enseignants ont déjà bien du mal à s’expliquer entre eux sur leurs pratiques de classe. Comment alors pourraient-ils le faire sereinement avec les parents ? C’est le cœur du professionnalisme des équipes qui n’est pas assez soutenu dans l’organisation scolaire aujourd’hui. Discuter entre soi, réfléchir entre soi des questions pédagogiques, c’est le premier pas si on veut accueillir les parents avec leurs questions ».
Double difficulté a priori qui s’accentue avec le fait que tous les parents doivent être accueillis quel que soit leur rapport à l’école.
“Il ne s’agit pas pour les parents d’envahir l’école, mais d’investir la scolarité. Il ne s’agit pas pour les enseignants de faire la morale ou de rendre des comptes à des « clients usagers », mais d’éclaircir ce qui reste opaque”
Œuvrer ensemble depuis des places différentes
Les leviers pour tisser des liens ne manquent pas, ni les initiatives sur le terrain comme le montre l’équipe de l’école des Plantiers à Manosque… Au pays de Jean Giono, elle a bâti un parcours culturel alliant lieux de représentation et participation des parents. À l’école maternelle Cayras à Sainte-Livrade-sur-Lot, c’est aussi sur la culture que l’équipe a misé, en s’appuyant sur le conte et le plaisir partagé de les raconter. « Il importe d’en cerner les objectifs. Il ne s’agit pas pour les parents d’envahir l’école, mais d’investir la scolarité. Il ne s’agit pas pour les enseignants de faire la morale ou de rendre des comptes à des « clients usagers », mais d’éclaircir ce qui reste opaque pour nombre de parents afin de contribuer à la réussite et à l’émancipation de tous leurs élèves », souligne Jacques Bernardin, docteur en sciences de l’éducation.
Reste que cette relation école-familles est trop souvent « asymétrique », imposée de façon « normée » par l’institution ce qui pose problème aux familles les plus en rupture avec les codes de l’école. Dans ce cas, la relation ne doit pas être une source d’aggravation des inégalités scolaires, notamment lorsque le lien de confiance est rompu. Et lorsque le conflit s’installe, pas facile d’en sortir tant les enjeux affectifs et réactionnels peuvent être importants. L’enfant peut parfois être pris dans un conflit de loyauté entre l’école et ses parents. Aussi il est nécessaire que chaque adulte qui œuvre à son éducation soit reconnu, légitimé, dans le rôle qu’il occupe. Œuvrer ensemble, mais depuis des places différentes, c’est aussi cela qui est complexe à réaliser. Cela ne peut être une exhortation à… cela s’apprend, se travaille, se construit par la formation continue notamment qui peine à donner une réelle place à cette compétence professionnelle. Construire la relations école-familles n’est pas seulement un outil au service de la réussite scolaire, mais d’une manière qu’on pourrait qualifier plus politique, un levier pour faire du commun dans le sens où l’éducation n’implique pas seulement l’institution, mais tous ceux qui y prennent part
Concrètement, la place des parents à l’école n’a pas beaucoup évolué depuis 30 ans, ou alors de manière assez floue. Si le référentiel de compétences des PE insiste sur le lien avec les parents, dans les obligations réglementaires de service, les heures dédiées aux rencontres avec les familles sont noyées dans les 48 heures qui doivent permettre aux enseignants de travailler en équipe, mais aussi d’élaborer les projets personnalisés de scolarisation des élèves en situation de handicap et d’en assurer le suivi. Il reste toujours les six heures annuelles consacrées aux conseils d’école. Trop peu pour assurer une coopération effective. On reste donc éloigné de l’idée d’alliance éducative pour la réussite des élèves, de l’ambition affichée par la loi de Refondation de 2013 qui redéfinit la place des parents en tant que partenaires préoccupés par la réussite de leurs enfants.
Une loi qui appelle à ouvrir l’école dans le cadre de projets promouvant la parentalité.