Education Nouvelle
Mis à jour le 17.06.22
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Le mouvement pédagogique fête ses 100 ans
Regroupant plusieurs courants, l’éducation nouvelle est un mouvement pédagogique qui prône le rôle central de l’enfant dans ses apprentissages.
2021 aura été l’année de la célébration des cent ans de l’éducation nouvelle. Ce mouvement pédagogique, qui a tenu son premier congrès en 1921 sous l’impulsion d’Adolphe Ferrière, pédagogue et professeur suisse de pédagogie expérimentale, s’est construit sur une critique de l’école de la troisième République. Les adeptes de l’éducation nouvelle percevaient cette dernière comme une école de la normalisation, de l’obéissance passive, de l’apprentissage mécanique. « Une école assise et non active », résumait Adolphe Ferrière. Face à cette école où l’enfant n’a qu’à attendre qu’on lui déverse un savoir qu’il devra restituer, les pédagogues de l’éducation nouvelle promeuvent une école de l’activité de l’enfant, une école de la construction de citoyennes et citoyens libres et éclairés. « L’éducation nouvelle consiste en une attitude nouvelle vis-à-vis de l’enfant. Attitude de compréhension, d’amour, mais surtout attitude de respect. Attitude d’attente, de patience… », écrivait le pédagogue et inspecteur de l’enseignement primaire Roger Cousinet. C’est à cette époque que les bases ont été posées, conduisant à l’émergence des Montessori, Decroly, Freinet, Dewey… Entre eux s’immiscent parfois de profonds désaccords portant sur la transformation de la société, la place des tests mentaux sur les enfants, qui pour certains s’apparentent à de l’eugénisme. D'autres différends ont concerné l’individualisation des apprentissages versus le collectif. Si les démarches divergent, elles se rejoignent néanmoins sur les grands principes : prendre en compte l’enfant dans sa globalité, susciter l’intérêt de l’élève, le motiver, lui apprendre à être autonome et responsable…
Un mouvement toujours vivace
Un siècle plus tard, où en est-on de l’éducation nouvelle ? Ses préceptes ont-ils irrigué l’école primaire dans son ensemble ? Le premier enseignement est que ces mouvements sont toujours bien présents dans le paysage éducatif français. Pour célébrer l’anniversaire des 100 ans, ses adeptes réunis au sein du Groupe français d’éducation nouvelle (GFEN) ont tenu congrès précisément à Calais pour réfléchir aux enjeux d’aujourd’hui et lancer le mouvement Convergences avec les Cémea*, le CRAP** ou encore la FESPI***. Autre enseignement : si les écoles appliquant strictement la méthode Montessori ou autre ne manquent pas, elles sont rarement publiques. Ces écoles privées échappent à la sectorisation, attirent un public averti au risque d’apparaître plutôt élitistes.
Malgré la liberté pédagogique dont disposent théoriquement les PE, le cadre de l’Éducation nationale avec ses contraintes et injonctions multiples reste peu approprié à un fonctionnement de l’école et à une pédagogie relevant de l’un ou l’autre de ces mouvements. Pour autant, les enseignantes et enseignants qui souhaitent s’en inspirer n’ont pas forcément un trait à tirer sur leurs ambitions. Ils sont nombreux à le faire au quotidien, utilisant des méthodes ou outils issus de ces pédagogies. Boîte à outils avec, par exemple, les ateliers autonomes de Maria Montessori ou le conseil d’élèves de Célestin Freinet. L’éducation nouvelle n’a pas fini d’infuser à l’école.
* Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active
** Centre de recherche et d’actions pédagogiques
*** Fédération des établissements scolaires publics innovants.
Catherine Chabrun est membre de l'Institut coopératif de l'école moderne - pédagogie Freinet (ICEM) et du comité de rédaction du Nouvel Educateur.
Les principes de l'Education nouvelle restent-ils pertinents ?
Oui et heureusement. Les principes de l’éducation nouvelle sont tournés vers l’avenir. Il s’agit de formeret d’émanciper par le savoir les adultes de demain, de former un citoyen libre et éclairé, capable de se forger sa propre opinion. L’éducation nouvelle dépasse le cadre scolaire, c’est une pédagogie dans et hors l’école, une pédagogie qui considère que l’élève est aussi, et avant tout, un enfant. Il
faut donc lui faire vivre ces différents principes afin qu’il puisse se les approprier.
Ces principes ont-ils évolué ?
L’éducation nouvelle rassemble de nombreux courants pédagogiques. Célestin Freinet préférait l’appellation d’«école moderne» car elle sous-entend la nécessité pour l’école de s’adapter à la société, à son évolution. L’école et les enfants de 1947 ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui, il est donc primordial de ne pas figer sa pédagogie. Freinet craignait qu’elle ne se résume à des techniques appliquées sans réflexion. Il avait donc anticipé que la société évoluerait et que l’avenir des enfants serait différent.
Comment se diffuse aujourd'hui l'Education nouvelle ?
Pour l’ICEM, il existe une pluralité de canaux de diffusion. Au niveau national, nous nous réunissons tous les deux ans lors d’un congrès au cours duquel on débat, on réfléchit ensemble dans des ateliers et des conférences. C’est un moment formateur mais aussi militant pour tous les adhérents et praticiens de la pédagogie Freinet. L’ICEM organise et participe aussi régulièrement à des salons dédiés à la
pédagogie. Il existe également des groupes départementaux présents pratiquement sur l’ensemble du territoire. C’est une forme de compagnonnage. On s’y retrouve fréquemment, nouveaux enseignants et enseignants plus aguerris qui échangent et réfléchissent sur leurs pratiques. Mais l’ICEM n’est pas un mouvement isolé. Il est membre du Collectif des associations partenaires de l’école, du
mouvement Convergences qui regroupe plusieurs mouvements pédagogiques tels que le GFEN, les Cémea… et qui organise des rencontres et des colloques.