Enseigner l’oral : c’est à dire

Mis à jour le 24.01.23

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Si l’apprentissage de l’oral est important, son enseignement reste complexe pour les PE.

Dimensions diverses ou injonctions contradictoires ne facilitent pas la tâche des PE dans l'enseignement de l'oral et favorisent peu un égal accès des élèves aux savoirs.

Chercheurs et chercheuses en sciences de l’éducation et personnels de l’enseignement partagent l’enjeu pédagogique et sociétal de l’enseignement de l’oral. Apprendre à l’élève à s’exprimer clairement, à structurer sa pensée à l’aide du langage, à argumenter, à écouter en retour le propos des autres constituent des éléments de construction et d’émancipation des futures citoyennes et citoyens. Pourtant, si l’enseignement de l’oral figure explicitement dans les programmes de l’école élémentaire, il n’est pas relayé par l’institution comme fondamental à l’égal du triptyque « Lire, écrire, compter ». Cette absence du « dire » est d’autant moins compréhensible que la maîtrise de l’oral constituera plus tard une figure imposée pour les candidat•es au brevet et au bac. Cette contradiction pèse sur les pratiques enseignantes qui doivent appréhender l’oral à la fois comme un enseignement à part entière et comme un outil permettant les apprentissages dans les autres disciplines. L’oral revêt une multiplicité de dimensions fonctionnant de manière simultanée : locutoire, phonologique, lexicale, interrelationnelle, cognitive... Ce qui rend son enseignement d’autant plus complexe.

Un instrument de socialisation

Dans ce contexte, l’apprentissage de l’oral dépasse largement la simple acquisition d’un savoir supplémentaire pour l’élève du primaire. « L’oral est le principal instrument d’une socialisation. L’entrée en contact et la découverte de la pensée de l’autre passent principalement par l’oral. Il est aussi l’instrument de la socialisation où la classe est une micro-société dirigée vers les apprentissages avec ses propres codes et conventions », souligne Sylvie Plane, professeure émérite en sciences du langage. « Dans les programmes, l’oral est associé à chaque discipline […]. Il faut arriver à percevoir que chaque entrée disciplinaire construit un univers de pensée », ajoute l’universitaire, pour qui la maîtrise du langage peut effectivement contribuer à réduire les inégalités scolaires et sociales. Dépasser le langage communicationnel ou expressif pour aller vers un langage élaboratif de la pensée tel est l’enjeu de démocratisation. Marceline Laparra, maîtresse de conférences en sciences du langage, estime, quant à elle, que « les injonctions de l’institution sont multiples, ce qui complexifie le travail enseignant ». Elle observe, par ailleurs, que les PE doivent en outre composer avec « une langue française qui se transforme », ce qui rend encore plus difficile son enseignement. « Faute de formation, les enseignants se fondent sur des connaissances imparfaites de l’oral », note-t-elle. 

Des initiatives de terrain

Sur le terrain, enseignants et enseignantes multiplient les initiatives pour aider les enfants à mieux appréhender le langage oral. Ainsi, à l’école des Bourseaux de Saint-Ouen l’Aumône (Val d’Oise), l’enseignement de l’oral prend la forme d’un apprentissage dont la programmation est conçue en équipe et concerne tous les cycles de l’école primaire. « L’oralisation est une étape essentielle, elle permet de structurer sa pensée et mène vers l’écriture. Dès la petite section, nous veillons à ce que tous les élèves soient initiés à la prise de parole », explique Sylvie Geoffroy-Martin, coordinatrice du projet.

Les enseignantes de l’école élémentaire d’Izeure (Côte-d’Or) ont, pour leur part, mis en place un cycle de six ateliers philosophiques au cours desquels les élèves du CP au CM2 apprennent à s’exprimer et à construire leur pensée à partir du langage oral. « Nous souhaitions ouvrir l’esprit des enfants, les faire réfléchir à d’autres sujets que les tâches scolaires traditionnelles », raconte Juliette Prost, directrice de l’établissement. « Avec ces ateliers philosophiques, nous avons pu observer des progrès dès la troisième séance, en constatant que les élèves s’expriment, s’écoutent, rebondissent sur les propos de leurs camarades en argumentant », ajoute Florence Tahussot, maîtresse de CP. « Réduire les inégalités reste vraiment la vocation de l’école », rappelle Sylvie Plane. Le langage « contribue à donner les mêmes instruments pour apprendre à penser par soi-même ». Mais, « l’école à elle seule ne peut réparer les désordres de la société ».

FsC 487 Dossier oral 1©Millerand-NAJA

RHÉTORIQUE VS ÉLOQUENCE 

Selon Clément Viktorovitch, enseignant de rhétorique à Sciences Po et chroniqueur (Le Monde du 4 juillet 2022), l’éloquence, même si elle est un bon préalable, se résume à « permettre aux individus de faire de jolies présentations pendant leurs réunions ». La rhétorique, quant à elle, est « l’art de mettre à distance les discours et de mettre en valeur son propre point de vue. Savoir présenter sa pensée de la manière la plus efficace et efficiente possible ». Souvent confondues, l’éloquence et la rhétorique renverraient finalement à deux objectifs différents. La première se résumerait à l’art du discours, à l’aptitude à s’exprimer avec aisance. La seconde à l’exposé d’arguments qui visent à persuader. Enseigner la rhétorique relèverait de l’enjeu démocratique selon le politologue : « La rhétorique est un pouvoir. Un pouvoir qui s’exerce sur ceux qui n’en disposent pas par ceux qui le maîtrisent ».

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