Et la maternelle ?

Mis à jour le 27.05.24

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Itv de Véronique Boiron, maitresse de conférence en sciences du langage

Véronique Boiron est maîtresse de conférences en sciences du langage, didacticienne du français à l’université de Bordeaux.

FsC 497 Dossier V.Boiron©Millerand-Naja

Quelle est votre analyse des nouveaux programmes pour le cycle 1 ? 

Ils montrent une méconnaissance du jeune enfant, de ses centres d’intérêt, de ce qui lui permet d’apprendre, ignorant les recherches internationales. Les repères dans les tableaux sont inquiétants et réduisent les enseignants et les élèves à des exécutants. On y lit qu’un enfant de 4 ans « réussit à trouver des mots polysémiques quand il différencie la glace dans laquelle on se regarde et la glace qu’on mange ». Un enfant de cet âge ne se trompe pas dans l’usage de ces mots et de ces objets. Ce qui est pertinent c’est d’apprendre à jouer et rire avec la langue. Par exemple, « je me regarde dans la glace en mangeant une glace ». Quid de l’imagination, de la poésie, du tâtonnement, de l’exploration ? On trouve aussi des confusions et des oublis inquiétants : « Acquérir le langage » se réduirait à l’enrichissement lexical, syntaxique ? Alors que ce qui est prioritaire ce sont les interactions orales : on sait que c’est en échangeant que les enfants apprennent à réfl échir, à questionner, à comprendre, à imaginer... Où est l’intelligence des enseignants et des élèves ?

Quelles répercussions sur les apprentissages des élèves en maternelle ?  

Ce projet propose aux élèves des micro-tâches séparées les unes des autres, déconnectées de projets à visée commune. Les élèves doivent s’entraîner sans cesse sur le même modèle, tels des robots ou de simples réceptacles. Les exemples sont souvent affligeants car beaucoup trop formels. On ne propose pas que les élèves explorent et apprennent ensemble lorsqu’ils construisent un même objet puis comparent les productions. Ni d’échanger les ressentis après la lecture d’albums, qui ne servent pas juste à reconnaître les personnages, mais qui nous parlent d’amitié, de peur, d’amour, de nous en tant qu’êtres humains. C’est cette dimension cognitive et collective qui n’apparaît pas de manière explicite alors qu’elle devrait être valorisée. Les conséquences seront terribles pour les élèves des milieux populaires pour qui, souvent, seule l’école permet de découvrir d’autres mondes : des mondes de fiction, scientifique ou artistiques.

Qu'en est-il de la liberté pédagogique ? 

Les enseignants sont différents et complémentaires. Cette diversité permet aux élèves de grandir, de s’émanciper en apprenant à s’adapter. On peut compter sur leur savoir-faire avec les jeunes enfants. Ils trouveront les moyens d’appréhender les attendus en organisant leur enseignement à partir des jeux, de la découverte et de l’exploration, des échanges, c’est-à-dire en respectant « l’âme » de la maternelle. Elle est aussi là à travers la liberté pédagogique, au sein de l’équipe, par les échanges entre collègues, les questionnements et les recherches de solutions collectives, les projets communs pour que tous les élèves apprennent. Cette activité intellectuelle, on ne peut pas l’enlever aux PE. Si les programmes paraissent ainsi, il sera nécessaire de renforcer les progressions de cycle et le travail d’équipe.

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