Fin de cycle ?

Mis à jour le 04.09.18

5 min de lecture

Les ajustements des programmes et les repères annuels signent-ils la fin des cycles ?

L’enseignement par cycle implique de penser les apprentissages sur un temps long et de prendre en compte les différents rythmes des élèves. Mais l’appropriation de ce concept reste chaotique.

La politique éducative des cycles à l’école primaire semble parfois tourner en rond. Créée avec la loi d’orientation de 1989, elle doit attendre la loi de refondation de 2013 pour être réaffirmée et 2015 pour être transcrite en programme. À peine deux ans plus tard elle est remaniée par des ajustements annuels.
Petite histoire : en 1989, la volonté de « placer l’élève au centre des apprentissages » en prenant en compte les rythmes et caractéristiques de chaque apprenant se traduit par l’apparition des cycles. Mais si les enseignants sont invités à penser des progressivités pluriannuelles, le découpage annuel des programmes, lui, perdure.
Cette approche novatrice se met en œuvre de manière laborieuse et inégale. Les classes multiâges sont considérées par les enseignants comme plus difficiles à assumer. Sylvie Jouan* identifie trois raisons principales de frein: la conception plutôt doctorale du rôle du maître, une complexité technique (temps de travail, formation…) et la force d’une tradition éducative.
Il faut dire que la philosophie des cycles établie en 1989 constituait une vraie rupture avec une organisation pédagogique issue du début du XIXe siècle. Hérité de l’enseignement dit « simultané », ce modèle a façonné des décennies d’instruction scolaire avec sa conception « un niveau d’âge = une année scolaire = un enseignant ».
À l’époque, cette organisation, en concurrence avec celle de « l’école mutuelle », fut choisie par ses partisans comme garantissant un maître référent unique et exemplaire. Ce modèle, officialisé lors des prémices de l’école républicaine, reste encore dominant.

Harmonisation des programmes

La notion de cycle, bien que jamais disparue des textes, est réaffirmée logiquement en 2015, avec l’idée de parcours de l’élève et une nouvelle loi de refondation en 2013. Elle est relancée par une modification de la structure interne et la mise en œuvre de programmes par cycle. L’idée est d’offrir du temps aux apprentissages : en cycle 1 avec le retour plein de la GS, en cycle 2 avec l’arrivée du CE2, en précisant que « la classe s’organise autour de reprises constantes de connaissance en cours d’acquisition ».
Ce système d’enseignement dit « spiralaire » est également présent au cycle 3, constitué par le CM1-CM2 et la sixième, et qui invite à « consolider les apprentissages fondamentaux » tout en « assurant une continuité et une progressivité entre les trois années du cycle ».
Cette autorisation à refaire, loin d’être une répétition infinie, est sensée se construire dans des retours constructifs, évolutifs, explicités aux élèves, comme un continuum en quatre cycles, vers l’acquisition du socle commun de connaissances.

Transformations en cours

Des mises en pratique, plus ou moins accompagnées, commencent à se faire jour avec diverses déclinaisons : évaluation des progrès des élèves, création d’échelles de compétences, concertations pour le suivi des enfants sur le cycle, recherche d’outils communs, décloisonnements, ateliers en barrette, systèmes de tutorat, de coopération, classes cycle… Globalement, la connaissance des programmes ne se limite plus à celle d’un niveau mais la vision s’élargit à l’ensemble du cycle.
Mais alors que la structure traditionnelle ancrée commence à évoluer, la publication d’attendus précis dans un calendrier contraint de cette rentrée se fait au détriment d’une progressivité adaptée au rythme des élèves, donnant un coup de balancier inverse à la progression en cours. Alors que la loi reste inchangée, ces repères reproduisent deux systèmes qui s’entrechoquent.

*Sylvie Jouan, La classe multiâge d’hier à aujourd’hui

Trois questions à :

Sylvie Plane, Professeur émérite de sciences du langage, ancienne vice-présidente du Conseil supérieur des programmes

Sylvie Plane

Pourquoi avoir réactivé la notion de cycle dans les programmes ?

D’une part, institutionnellement, il fallait rendre opérationnel l’enseignement par cycle, décidé dès 1989. D’autre part, ce sont surtout des raisons de pédagogie et de valeur. Les cycles permettent des apprentissages moins parcellaires, plus consistants, pensés dans leur globalité et dans le temps.
Aujourd’hui, le terme de « fondamentaux » renvoie à l’idée de rudimentaire, or, c’est faux, ce sont des apprentissages profonds qui prennent du temps pour s’installer. Le découpage sur trois années permet une attention au développement de l’enfant. Du coup, l’enseignant n’est plus enfermé dans sa classe, sa vision porte sur l’évolution de l’élève. L’idée de cycle, c’est aussi la coopération entre enseignants et la volonté d’amener tout le monde
à réussir.

Quels accompagnements ?

Les programmes fournissent des repères de progressivité renseignant sur les étapes d’apprentissage. Certains documents d’accompagnement d’Éduscol envisagent également les enseignements dans le cadre d’une progressivité. Par exemple, dans « questionner le monde » un même objet d’étude est travaillé dans une cohérence de complexification graduée. Cela nécessite aussi un accompagnement en formation continue qui se fasse en présentiel pour partager l’expérience.

Les repères annuels compromettent-ils les cycles ?

Tout est fait en effet pour un retour en arrière. Le livre orange pense la lecture en CP de septembre à février. Viennent s’ajouter des évaluations séquencées, avec des obligations de résultats, de progression homogène sur des temps très courts. Cette vision est fondée sur un modèle théorique idéal où tout se passe exactement comme prévu, niant le développement complexe des enfants de cet âge.
De plus, les mêmes outils sont à destination des enseignants et des parents. On confond lien et explication légitime auprès des familles avec l’expertise pédagogique. Cela va inciter les parents à doubler le travail scolaire, renforçant le contrôle sur les PE, les malentendus et les inégalités. Pour les enseignants, il faudra beaucoup de lucidité, d’engagement pédagogique et de valeurs éducatives.

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