Harcèlement : comment lutter ?
Mis à jour le 02.10.22
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La profession enseignante s’est déjà emparée du phénomène du harcèlement.
La profession enseignante s’est déjà emparée du phénomène du harcèlement dans le cadre de la réflexion menée autour du climat scolaire. Des initiatives ont vu le jour dans les écoles, témoignant de l’engagement des PE. Cependant, une formation à la hauteur des enjeux s’avère nécessaire.
Mobilisés de longue date par les enjeux de climat scolaire, les enseignants et enseignantes doivent aujourd’hui intégrer dans leur pratique professionnelle une nouvelle vague de textes officiels ciblant le harcèlement et le cyberharcèlement à l’école. La loi Balanant du 2 mars 2022 – qui fait de ce phénomène un délit –, et la généralisation en cette rentrée du programme pHARe, portant plus précisément sur la prévention et la prise en charge du harcèlement par la communauté éducative, relèvent des dernières mesures gouvernementales. La profession enseignante, qui mesure l’importance et la gravité de cette problématique, manque toutefois souvent de repères et de formations adaptés à la prévention, à la détection et à la lutte contre le harcèlement. Les PE constatent notamment que les offres de formation s’avèrent très disparates d’un département à l’autre. Ils sont également convaincus qu’un travail collectif et efficace de prévention nécessiterait davantage de temps pour s’approprier les outils destinés à lutter contre toutes les formes de violence scolaire.
Limites opérationnelles
Si des universitaires en sciences de l’éducation considèrent que la prise en compte par l’État du harcèlement scolaire constitue une avancée, ils pointent aussi les limites des dispositifs actuels. Ainsi, Sigolène Couchot-Schiex, professeure en sciences de l’éducation, juge le programme pHARe « louable », mais constate qu’il est « très descendant et ne prend pas en compte le contexte spécifique local, c’est-à-dire toute la sociologie de l’établissement et des élèves ». Pour elle, la formation des PE est une question essentielle. « Il faut les aider à identifier, à caractériser et à qualifier, insiste-t-elle. Comme pour le sexisme, il faut comprendre les mécanismes pour ensuite prendre en charge ». Évoquant la loi Balanant, le chercheur Éric Debarbieux souligne, quant à lui, que si le législateur crée un délit spécifique et prévoit des sanctions envers les enfants, il « officialise également l’interdit ». « Lorsque l’on aboutit au dépôt de plainte, c’est qu’on a déjà perdu, et c’est une tragédie », estime ce spécialiste de la violence scolaire (fenêtres s/ cours du 14 janvier 2022).
Une approche collective pour libérer la parole
Face au chiffre officiel de 10 % d’élèves victimes de ce fléau dans leur établissement, Catherine Blaya, professeure en sciences de l’éducation, propose de développer « des approches interdisciplinaires et multimodales » dans les politiques de prévention. L’universitaire plaide notamment pour une prévention qui « travaille sur le développement des compétences sociales : gestion des conflits, dynamique de groupe, estime de soi, mais aussi intelligence émotionnelle, notamment l’empathie ». Selon elle, le travail collectif mené autour du climat scolaire constitue un autre levier important. « Les établissements dont le climat est basé sur la coexistence pacifique, le respect mutuel et qui offrent des perspectives de développement personnel sont des établissements où il y a le moins de violence », observe-t-elle. Sur le terrain, de nombreuses écoles appliquent d’ores et déjà ces principes. À l’école élémentaire du Blosen à Thann (Haut-Rhin), l’équipe pédagogique a mis en place des « espaces de dialogue » après avoir détecté un cas de harcèlement ayant conduit un enfant à ne plus fréquenter l’établissement. « S’il s’agit d’écouter la victime, avec les entretiens non blâmant, les « harceleurs » sont aussi écoutés, sans être accusés », explique Sophie Scaravella, conseillère pédagogique de la circonscription. « Une partie de l’équipe a été formée à la sensibilisation au harcèlement, nous avons revu les documents proposés et le conseil des maîtres s’est emparé de cette problématique que nous avons inscrite dans notre projet d’école », confie la directrice Cindy Hell. « Ici, nous sommes tous bienveillants, tous à l’écoute des autres. Entre collègues, avec les élèves, avec les parents… témoigne Bernard Grandjean, un enseignant de l’école Jean-Jacques Rousseau à Angers (Maine-et-Loire). Nous ne laissons pas les situations conflictuelles dégénérer, tout passe par la parole, par la discussion ». Plans et initiatives nationales spécifiques ne doivent, en effet, pas faire oublier que l’école doit aussi être un lieu de réflexion et d’enseignement pour un climat scolaire de qualité où des situations de harcèlement ne pourraient pas s’installer.
A quand de vrais moyens ?
Le programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe) doit se généraliser en cette rentrée. «Mesurer le climat scolaire, éduquer pour prévenir les phénomènes de harcèlement, former une communauté protectrice de professionnels et de personnels pour les élèves, intervenir efficacement sur les situations de harcèlement, associer les parents et les partenaires et communiquer sur les programmes...» Pour que ces grands principes ne restent pas lettre morte, une formation de qualité de l’ensemble de l’équipe éducative est avant tout nécessaire. Les offres de formation, très disparates entre les départements cette année, en sont encore bien loin. Un véritable travail de prévention nécessite aussi de dégager du temps pour que les équipes s’approprient les outils et mènent avec l’ensemble des personnels une réflexion globale sur le climat scolaire