Jeunesse incarcérée, droits bafoués
Mis à jour le 28.11.25
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Des conditions « indignes » d’incarcération « entraînant des atteintes graves aux droits des adolescents, ITV d'Etienne Kubica
Un récent rapport de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) révèle des conditions « indignes » d’incarcération « entraînant des atteintes graves aux droits des adolescents » détenus dans l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Marseille. En conséquence, la CGLPL a pris la décision rarissime de demander sa fermeture et « une refondation intégrale de son fonctionnement ».
Créés en 2002 comme alternatives à l'emprisonnement dans des quartiers pour mineur·es, les six EPM de l’Hexagone avaient pour objectifs d’organiser la détention d’adolescent·es de 13 à 18 ans autour de l’action éducative et de favoriser leur réinsertion. Dans un rapport de 2023, la Cour des comptes avait déjà pointé des défaillances ; aujourd’hui le bilan est alarmant. Les inspections de l’EPM de Marseille réalisées par la CGL-PL ont mis au jour des conditions matérielles déplorables : vétusté, saleté des lieux, des matelas, absence de draps, salles d’eau privatives dépourvues de portes, pas de distribution gratuite de produits d’hygiène, repas frugaux... Pire, « les conséquences catastrophiques de la démobilisation et de l’absence du personnel pénitentiaire et éducatif » se traduisent par un surenfermement des enfants 23 heures sur 24, la privation de scolarité, « la multiplication des contraintes sécuritaires appliquées en dehors de tout cadre normatif, des décisions arbitraires, des violences psychologiques. »
Le SNPES/PJJ-FSU* alerte sur les conséquences destructrices que produit l’enfermement et rappelle « que les jeunes auteurs d'infractions pénales sont avant tout des adolescent·es en danger et à protéger ». Or les services de la Protection de l’enfance s’effondrent en l’absence de politique ambitieuse pour la jeunesse en diffi culté. Le syndicat exhorte l’état à faire le choix, non pas de la répression, mais de l’éducation.
*Syndicat national des personnels de l’éducation et du social /Protection judiciaire de la jeunesse
INTERVIEW
ÉTIENNE KUBICA, délégué du syndicat de la magistrature, juge des enfants à Rennes.
QUELLES CONSÉQUENCES DE L’INCARCÉRATION SUR LES MINEUR·ES ?
L’incarcération induit une dévalorisation par la privation de liberté, l’isolement, et
la perte de repères. Pour certains, le « choc carcéral » a de lourdes conséquences psychologiques comme la dépression voire le suicide. Faute de moyens et de personnels, la loi du 9 septembre 2022 n’est pas toujours appliquée dans les EPM, les apprentissages ne se font pas et les jeunes cumulent alors un retard scolaire.
Le manque de suivi psychologique, médical, d’activités sportives et culturelles ne permet pas de développer un autre rapport aux autres et à la loi, hors de la délinquance et de la violence. La prison aggrave souvent la désocialisation et fige dans une identité délinquante, au lieu de favoriser l’insertion. D’ailleurs, près de 70% des jeunes détenus récidivent.
QUELLES ALTERNATIVES ?
La prison doit rester un dernier recours pour les actes très graves. Au préalable, la loi prévoit des mesures de prévention par un travail d’accompagnement social, sanitaire et éducatif avec l’enfant et sa famille, dès les premiers délits. Ces dispositifs, portés par la Protection judiciaire de la jeunesse, fonctionnent puisque 85% des mineurs qui en ont bénéficié ne récidivent pas à l’âge adulte.