L'EPS, une discipline à part entière
Mis à jour le 20.09.21
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L'EPS ne se résume pas à des pratiques sportives et est aussi une porte vers d'autres apprentissages.
L’Éducation physique et sportive peut-elle se résumer à la pratique de divers sports, comme le laisse penser le ministre de l’Éducation nationale ? En choisissant en période de confinement d’instaurer le dispositif 2S2C (lire ci-contre) externalisant sport, santé, culture et civisme aux collectivités locales sous forme de pratiques et non plus d’enseignements, c’est le chemin qu’il semble vouloir emprunter. Pourtant, le sport n’est pas seulement une affaire d’activité physique. C’est une matière d’enseignement à part entière comme en témoigne Antoine Thépaut, spécialiste de la didactique de l’EPS. « L’éducation physique et sportive est clairement une discipline scolaire, au même titre que les autres, qui participe de la formation globale et polyvalente de l’enfant. De manière générale, on ne peut envisager une éducation sans envisager un accès aux pratiques physiques. Le rôle premier de l’EPS permet d’accéder à cette culture et ce dès la maternelle », explique-t-il.
En effet, à l’école, l’EPS répond dès le plus jeune âge à de multiples objets de savoirs : moteurs, méthodologiques, sociaux et langagiers. Il s’agit de construire des situations pour répondre à de multiples enjeux. Elle est aussi un moyen d’aborder des notions indispensables à la socialisation de l’enfant comme l’apprentissage du respect de la règle ou du faire ensemble.
La place du sport à l’école
Cette conception de l’EPS n’est pas toujours allée de soi. « L’école doit faire aux exercices du corps une place suffisante pour préparer et prédisposer les garçons aux travaux de l’ouvrier et du soldat, les filles aux soins du ménage et aux ouvrages de femmes », stipulaient les instructions du ministère en 1887. Le chemin a été progressif et long pour en arriver à ce que cette matière soit aujourd’hui la troisième en nombre d’heures hebdomadaires dédiées (lire p16). De là à dire que les vues du ministre sonnent comme une régression, il n’y a sans doute pas loin. Mais peut-on vraiment s’en étonner quand on connaît son idée fixe, recentrer les enseignements sur le « lire-écrire-compter » ?
Pour autant, enseigner l’EPS n’est pas toujours d’une grande simplicité pour les enseignantes et les enseignants. Si cet enseignement relève pleinement de la mission de l’école, de la compétence et de la polyvalence des PE, il est vrai aussi que toutes et tous ne sont pas forcément à l’aise avec cette discipline, notamment en raison du manque de formation mais aussi des inégalités en matière de matériels disponibles, de locaux ou d’espaces de pratique. Du coup, parfois, l’EPS vient après, quand il reste du temps parce qu’on a dû s’attarder sur d’autres matières pour combler les difficultés des élèves.
Des ressources pour ne pas rester seul·e
Pour autant, les PE doivent savoir qu’ils ne sont pas seuls. Des ressources existent, en particuliers celles fournies par l’USEP (Union sportive de l’enseignement du premier degré). Cette dernière propose des documents pédagogiques, accompagne enseignantes et enseignants, organise des rencontres sportives associatives…. « Il y a aussi un enjeu plus politique », précise Véronique Moreira, présidente de l’USEP. « Aujourd’hui, l’EPS est très critiquée, beaucoup estimant que les enseignants du premier degré sont incapables de l’enseigner et qu’il faut une prise en charge extérieure. » .
Dans la commune rurale d’Aslonnes, dans la Vienne, « la pratique du sport fait partie de la vie de l’école et bien souvent elle irrigue les apprentissages des autres disciplines » confie le directeur Philippe Le Merrer. Avec l’appui de l’USEP, l’équipe multiplie les projets en fonction des tranches d’âge, collabore avec les autres écoles du canton .
Intervenant oui, mais en co-construction
L’appui d’un intervenant extérieur n’est pas non plus à proscrire. Cela peut s’avérer très utile, à condition que le ou la PE reste maître du jeu. À l’école Henri Perrot dans les Pyrénées-Atlantiques, Christophe Lapeyre fait lui-même danser ses élèves depuis dix ans avec l’aide d’un chorégraphe. Le maître mot de ce tandem est la co-construction. À côté de la dimension athlétique et artistique de la danse, l’enseignant note les effets positifs de cette pratique sur ses élèves : « Cela renforce vraiment un sentiment de tous capables. Et cela touche autant le timide que le plus sûr de lui », commente-t-il. Les séances sont complétées par des temps de co-évaluation, de production d’écrit, de verbalisation, une dimension transversale donc qui profite pleinement aux élèves. La co-construction n’est pas une délégation.
Ainsi, l’EPS peut aussi constituer un outil de médiation permettant de valoriser des élèves en difficulté sur d’autres matières, de mettre en œuvre une pédagogie du « tâtonnement », par essais-erreurs... afin de dépasser ses échecs pour réussir, et ainsi contribuer à réduire les inégalités scolaires.
2S2C, des enseignements scolaires avant tout
Lancé à la sortie du confinement, le dispositif 2S2C conventionné avec les collectivités prévoit la mise en place d’activités culturelles, sportives, civiques ou de santé sur le temps scolaire. Le SNUipp-FSU y voit un fort risque d’externaliser hors de l’école des enseignements ramenés au rang d’« activités », permettant au ministre de poursuivre le recentrage sur les dit-fondamentaux. Pour le syndicat, ce dispositif « constitue un premier pas pour dessaisir les PE de leur polyvalence ». De plus, « ces activités sont soumises aux inégalités de ressources des communes et n’entrent plus dans le cadre scolaire obligatoire » alors que ce dernier permet à tous les élèves de découvrir la diversité de ces pratiques tout en tissant des liens avec les autres disciplines. Avec la rentrée, la question de l’avenir du 2S2C reste posée.
*Sport, santé, culture-civisme