L'oral dans la classe
Mis à jour le 17.01.23
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Interview de Marceline Lappara, maîtresse de conférences en sciences du langage
Marceline Laparra , maîtresse de conférences en sciences du langage retraitée
De manière générale comment est travaillé l'oral en classe ?
L’oral prend plus de place dans les petites classes, puis progressivement est dominé par l’écrit. Enseigner l’oral peut aller de la correction de la prononciation à apprendre à s’exprimer en public. Souvent l’oral est pratiqué sans que les enseignants et les élèves pensent le travailler. Les élèves sont alors placés dans des situations où ils utilisent les outils linguistiques dont ils se servent dans la vie courante. Mais, on ne les conduit pas à s’approprier à l’oral les outils s’éloignant progressivement de ceux de la langue de la communication immédiate. Or, ceux-ci deviennent indispensables dès qu’ils doivent, par exemple, expliciter ce qu’ils pensent ou produire des justifications.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontés les PE ?
L’école française fait tout, trop vite, trop tôt et une seule fois. Le mot oral désigne une quantité de choses et tout le monde fait comme si travailler l’oral était une évidence alors que cela est très complexe. Les injonctions de l’institution sont multiples, ce qui complexifie le travail enseignant. De plus, enseigner l’oral renvoie à la perception que les enseignants ont de leurs élèves. S’ils sont convaincus de la bonne maîtrise de la langue française ou que leurs élèves en ont une maîtrise insuffisante, la manière d’aborder les apprentissages ne sera pas la même. De manière générale, les enseignants sous-estiment les ressources qu’ont les élèves avec l’idée sous-jacente d’un déficit social et/ou culturel. Autre difficulté, la langue française se transforme, ce qui complexifie son enseignement. Faute de formation, les enseignants se fondent sur des connaissances imparfaites de l’oral.
Quelles pistes suggérez-vous pour les dépasser ou rendre l'enseignement efficace ?
La première chose à apprendre à un enfant est qu’il est un locuteur digne de sa langue, qu’elle lui appartient et cela vaut même pour les enfants qui ont l’air de mal la parler. Il faut se servir de ce qu’ils savent pour le diversifier et le complexifier. Il est important d’écouter les élèves, de les faire interagir en se fixant des objectifs clairs. Pour sortir de la communication immédiate, on peut leur demander de mettre les mains dans les poches ou de tourner le dos à l’auditoire, ce qui les oblige à raconter, décrire sans pouvoir désigner ce dont ils parlent. La langue se complexifie instantanément sans compter qu’ils prennent plaisir à le faire. Il faut travailler lentement, prendre le temps de revenir sur ce qui a été appris, répéter les réussites, refaire mieux, plus progressivement. En d’autres termes, apprendre dans le plaisir à jouer avec une langue qui semble alors étonnante, contradictoire et donc passionnante.