“La poésie nous relie”
Mis à jour le 27.04.23
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Itv de Mélanie Leblanc, poétesse et marraine 2023 d'"Ecole en poésie"
Mélanie Leblanc est poétesse et marraine de l’édition 2023 d’« École en poésie » organisée par l’OCCE, office central de coopération à l’école. Elle a publié de nombreux ouvrages aux éditions Les Venterniers et dernièrement en poche au Castor Astral le recueil Encrer l’invisible.
Comment définiriez-vous le langage poétique ?
Par essence, il est libre et échappe à toute définition. Je reprendrais l’approche du poète Antoine Emaz pour qui la poésie est une équation entre langage, émotion, sensation et mémoire. Dans ma pratique personnelle, la poésie revêt en même temps une dimension ludique et une dimension métaphysique, elle mêle le plus léger et le plus profond. Je crois que la poésie se vit de tout son corps, ce qui en fait le genre littéraire le plus poreux à d’autres disciplines. Elle peut s’oraliser, se danser, rencontrer les arts, le théâtre, le cinéma... Jusqu’au XVIe siècle, il n’existait pas de poésie sans musique et dès l’Antiquité, on a pensé la mise en page, car un poème, ça se regarde aussi.
Comment vivez-vous votre rôle de marraine d'"Ecole en poésie" ?
J’éprouve beaucoup de reconnaissance envers les professeurs et les enfants qui préparent si bien les rencontres en travaillant sur mes livres. Je suis accueillie comme une rock star ! J’y trouve l’occasion de faire connaître des éditeurs, notamment la maison d’édition les Venterniers, qui réalise depuis 10 ans des livres pas comme les autres, faits à la main, qui donnent envie aux enfants de réaliser leurs propres livres. C’est beaucoup d’émotions, comme lorsque je découvre les photos-poèmes postés par plus de 300 classes pour rendre compte de leur travail autour de mon livre Le Manifeste du Nous. Voir tous ces enfants qui investissent la poésie et se relient à travers elle autrement que sous les formes du concours ou de la récitation est une grande joie.
Quelle place pour la poésie à l'école ?
La poésie devrait faire partie du quotidien dans toutes les écoles, avec un poème par jour et pas seulement pendant le « Printemps des poètes ». Elle peut être présente dans toutes les activités scolaires, de l’EPS aux mathématiques en passant par les arts plastiques. J’ai créé, par exemple, des dés poétiques qui permettent de travailler à la fois des notions de géométrie et des compétences grammaticales. Et puis la poésie, à travers son triptyque lecture, écriture, oralisation, donne l’occasion d’explorer toutes les dimensions de la langue française. Dans un contexte facile et rassurant, parce qu’un poème, c’est court. Pour autant, il ne s’agit pas de faire de la poésie utilitariste mais de toujours convoquer les émotions, les sentiments, l’expression personnelle. Quand on instrumentalise la poésie, on la perd. Une autre vertu de la poésie, c’est de donner de la place à ceux qui n’en n’ont pas, aux enfants non lecteurs ou en difficulté.
Et dans la société ?
On assiste à un mouvement important depuis quelques années. On parle de plus en plus de poésie à l’échelle internationale, notamment en Amérique latine et en Amérique du Nord. Le jour de son investiture, Joe Biden a donné une place de choix à une jeune poétesse afro-américaine, Amanda Gorman. En France, c’est plus lent parce qu’on reste un peu prisonnier de l’image véhiculée par notre système scolaire et universitaire. Les enseignants actuels ont connu lorsqu’ils étaient élèves la récitation comme seule approche, puis des méthodes héritées du formalisme qui décortiquent les poèmes au point d’en perdre la saveur. La poésie ne s’autopsie pas, elle se vit ! Mais les choses changent, particulièrement chez les jeunes générations qui par- * Office central de coopération à l’école taguent des poèmes sur les réseaux et organisent des scènes ouvertes. Les libraires mettent de plus en plus en valeur la poésie et les ventes ne cessent d’augmenter. Les éditeurs participent grandement de ce changement, comme le Castor Astral qui a créé il y a deux ans une collection poche aux couleurs vives, pensée pour faciliter l’accès aux poèmes, notamment pour les publics scolaires. La poésie ose aborder des sujets de société brûlants, elle est en prise avec son temps, tout en continuant de traiter des sujets éternels comme le temps, la mort, l’amour. La poésie nous permet d’aborder des questions métaphysiques avec simplicité. Libérée du religieux, elle peut aussi être une approche spirituelle. La pandémie a fait la démonstration de l’importance de nos liens, entre humains mais aussi avec tout le vivant. Or la poésie, c’est ce qui nous relie.
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