« Les associer étroitement »

Mis à jour le 17.01.19

4 min de lecture

Françoise Lorcerie, directrice de recherche émérite à l’université d’Aix-Marseille

AUJOURD’HUI, LES PARENTS COOPÈRENT-ILS PLUS AVEC L’ÉCOLE ?

FRANÇOISE LORCERIE : Toutes les lois récentes évoquent la place des parents et la nécessité de les associer étroitement à l’école : la loi de 1989 inaugurait à leur sujet une nouvelle catégorie, celle de « partenaire », et aujourd’hui, le code de l’éducation incite au développement « du dialogue et de la coopération » avec les parents. Malgré tout, les choses ont peu évolué dans la pratique depuis trente ans. Le mode de fonctionnement de l’école n’amène pas les personnels à nouer des relations suivies et authentiques avec les parents. Souvent, les parents sont utilisés, on fait appel à eux comme à des « auxiliaires », il ne s’agit pas d’une réelle coopération.

QUELS PEUVENT ÊTRE LES FREINS ?

F. L. : Ils sont nombreux. Comme je le disais, il n’y a rien dans les textes qui oblige les enseignants à entretenir des relations vraies avec les parents. Une grande majorité des parents souhaiterait une coopération plus effective avec plus de rencontres dans un cadre moins normé et des échanges plus détendus. Les mesures de sécurité post attentats n’ont fait que limiter plus encore les relations informelles des parents avec les enseignants.
Autre frein, le temps que les enseignants accordent aux échanges avec les familles. Les obligations réglementaires de service imposent six heures par an, c’est très peu ! qu’en serait-il de ces relations si une heure par quinzaine y était consacrée ?
Un autre frein me semble décisif. Les enseignants ne sont pas formés à la communication avec les usagers. Bien souvent, ils n’attendent pas grand-chose de ces rencontres et ils les craignent, ils ont du mal à s’expliquer avec les parents. Ils savent bien pourtant que dans la très grande majorité des cas, les parents sont tout simplement inquiets pour leurs enfants.

Les enseignants ne sont pas formés à la communication avec les parents. Bien souvent, ils craignent de les rencontrer.

VOUS PARLEZ DE DIFFÉREND AVEC LES PARENTS PLUTÔT QUE DE MALENTENDU, POURQUOI ?

F. L. : Lorsque l’on parle de « malentendu » à propos des apprentissages, c’est pour dire que l’élève comprend mal ce que l’enseignant attend de lui. Dans la relation école-famille, la notion de malentendu renvoie implicitement à cette même idée de mauvaise compréhension asymétrique : le malentendu est du côté des parents. Et s’il était aussi du côté des enseignants ? Se peut-il que ce soit eux qui comprennent mal ? Mais en fait, la notion de malentendu place le problème sur un registre psychologique, et c’est une erreur. Selon moi, le problème est relatif à l’organisation même de l’école. C’est pourquoi il vaut mieux parler de « différend ». La distance est si forte entre enseignants et familles que l’entente et la confiance ont du mal à se tisser. Comment expliquer cette distance ? Le manque de formation y joue un rôle, c’est banal de le dire. Mais je voudrais mentionner un autre facteur. Travailler avec les parents doit être une volonté d’équipe. Or les enseignants ont déjà bien du mal à s’expliquer entre eux sur leurs pratiques de classe. Ils ne le font pas, en réalité. Comment alors pourraient-ils le faire sereinement avec les parents ? C’est le cœur du professionnalisme des équipes qui n’est pas assez soutenu dans l’organisation scolaire aujourd’hui. Discuter entre soi, réfléchir entre soi des questions pédagogiques, c’est le premier pas si on veut accueillir les parents avec leurs questions.

QUELS SONT LES ATOUTS D’UNE TELLE COOPÉRATION ?

F. L. : On y gagnerait un climat détendu, de confiance, une sérénité. C’est ce qu’attendent les parents et les enseignants, c’est plaisant d’être reconnus. Je pense que l’école doit apprendre à rendre compte aux parents – ce n’est pas pareil que rendre des comptes ! Certains parents, c’est vrai, posent de réelles difficultés. Mais cela se gère. Et dans l’ensemble, ils sont soucieux de faire ce qu’il faut. Les enseignants devraient en confiance accepter les questions des parents. Ils veulent bien souvent seulement être rassurés. Il faudrait que puisse se nouer un dialogue sans qu’aucun ne se sente menacé. On comprend mieux les enfants si on peut parler aux parents. Cela ne peut avoir que des retombées positives sur la réussite des élèves. Ce dialogue est un élément d’un ensemble de facteurs qui font système. Un cercle vertueux.

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