Maternelle obligatoire?
Mis à jour le 29.05.18
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Quelles répercussions de l’instruction obligatoire dès 3 ans à la rentrée 2019?
Historique. C’est en se drapant dans le costume de Jules Ferry, Jean Zay ou encore du général de Gaulle qu’Emmanuel Macron a déclaré solennellement lors des Assises de la maternelle le 27 mars : « J’ai décidé de rendre obligatoire l’école maternelle et d’abaisser de six ans à trois ans en France l’obligation d’instruction dès la rentrée 2019». Cette mesure ne figurait pas dans son programme, elle vise selon lui à donner « toute sa place » à la maternelle et lutter contre « la fabrique des inégalités » et « le décrochage ». École obligatoire ou instruction ? En France, c’est bien l’instruction qui est obligatoire de 6 à 16 ans, les familles conservant le droit de l’effectuer à la maison ou de confier leur enfant à des établissements publics ou privés. Au ministère de vérifier la réalité de cette instruction et sa conformité aux programmes par des contrôles annuels.
À la rentrée 2019, ce sont donc tous les enfants de trois ans qui seront soumis à cette obligation. Dans les faits c’est déjà le cas. La quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans est en effet déjà scolarisée en France, en tout cas inscrite : à 97,6% pour les trois ans, 100% à 4 et 5 ans. Mais « ce chiffre moyen couvre des réalités profondément diverses », a argumenté le Président, citant l’Outremer comme la Guyane ou Mayotte où ce chiffre tombe à moins de 70% du fait notamment du sous-équipement chronique de ces territoires. Des disparités se retrouvent également dans l’emploi du temps puisque certains enfants présents le matin rentrent manger à midi et restent chez eux. Cela ne sera plus possible. Désormais, les familles seront dans l’obligation de scolariser leur enfant dès ses trois ans, de fournir un certificat de scolarité pour percevoir les allocations et de justifier des absences comme en élémentaire. Mais quid du contrôle pour l’instruction en familles, quels tests possibles pour vérifier l’enseignement dispensé à ces tout jeunes enfants ? Les spécialistes de la maternelle posent aussi la question des moins de trois ans. En éducation prioritaire et via des dispositifs adaptés, cette scolarisation des deux ans contribue à plus d’égalité sociale et scolaire mais le Président n’en fait plus une priorité. Un coup d’arrêt à craindre pour ces dispositifs.
Dans les classes, cette présence obligatoire tout au long de la journée et l’arrivée des 25 000 trois-cinq ans non scolarisés actuellement pose un peu plus encore la question des effectifs de maternelle. Ils sont déjà « parmi les plus lourds des pays de l’OCDE », rappelle l’universitaire Pascale Garnier (FSC n°444), « avec plus de 25 élèves par classe et souvent 30 ». Il faudra donc des postes supplémentaires. Le gouvernement n’en prévoit que 800, la FCPE chiffre ce besoin à plutôt un millier, auxquels il faut ajouter les postes supplémentaires d’ Atsem et d’accompagnants des élèves en situation de handicap qui font partie des enfants non scolarisés pour l’instant.
De l’argent pour le privé
Les collectivités s'inquiètent donc des charges supplémentaires à venir. Depuis la loi Debré de 1959, les municipalités sont tenues de participer aux frais de scolarité des enfants de leur commune qu’ils soient en écoles publiques ou privées sous contrat. Cela englobe l’emploi des Atsem, les frais d’entretien des locaux, l’achat de mobilier… Jusqu’ici cette obligation ne concernait que l’élémentaire mais avec l’instruction obligatoire dès 3 ans cette obligation s’étendra aux maternelles. Sur le territoire, quelque 12 000 classes de maternelles privées scolarisent 325 000 enfants. « Les sommes en jeu sont donc colossales », prévient Damien Berthilier, président du réseau français des villes éducatrices. Le chiffrage reste à faire mais des établissements hors contrat pourraient également changer de statut afin de percevoir ce financement. Jusqu’ici seules certaines villes avaient fait le choix de payer ces forfaits même pour les élèves en maternelles privées mais toutes devront désormais s’y plier. Les collectivités craignent donc des charges supplémentaires. L’Association des maires de France a demandé que : « cette décision de l’État n’entraîne aucun surcoût pour les communes et que les postes d’enseignants nécessaires soient créés ».
Enfin, le SNUipp-FSU pose la question de la qualité de cette scolarisation. Cela passe par une formation de qualité des personnels et une vigilance afin qu’elle reste l’école des apprentissages et de l’épanouissement. Un des arguments présidentiels de cet abaissement est d’« agir tôt » car « 80% des décrocheurs étaient déjà en difficulté au CP », cela ne doit pas amener à « primariser » le cycle 1 pour n’en faire qu’une « prépa » à l’élémentaire.
Quelques chiffres
1882 depuis les lois Jules Ferry l’âge plancher d’obligation scolaire n’avait pas bougé, à 6 ans.
97,6% des enfants de 3 ans étaient scolarisés à la rentrée 2017.
25 000 enfants de 3 à 5 ans ne sont pas scolarisés en France.
La Hongrie était le seul pays d’Europe à fixer à 3 ans l’obligation scolaire.