Portes ouvertes sur le sens

Mis à jour le 30.08.24

3 min de lecture

Entrer dans la peau des personnages pour lever les implicites

Pour lever les implicites et accéder au sens du récit, les élèves de GS de l’école maternelle Pasteur à Nice (Alpes-Maritimes) entrent dans la peau des personnages.

« À quoi pense la petite taupe ? Quel sentiment exprime la grenouille ? Qu’espère le loup ? » Au sein de la GS de Laure Ginouse, dans le quartier niçois de l’hôpital Pasteur qui a donné son nom à cette école de REP+, si proche et si lointaine des palaces de la Promenade des Anglais, c’est l’effervescence. Idées et hypothèses fusent pour décrire les états mentaux des personnages à un moment-clé de l’album « Petite taupe, ouvre-moi ta porte ! ». Alors que le loup a été ligoté par la taupe et ses compagnons, on frappe de nouveau à la porte… Au tableau, des « bulles de pensée » sont renseignées par l'enseignante sous la dictée des élèves. Comment arbitrer si la mésange manifeste de « la peur » comme le prétend Kamil ou si « elle a l’air contente » selon Eva ?

Habitués à cette démarche réflexive inspirée de Narramus, les élèves prélèvent des indices visuels et s’appuient sur la révision préalable du registre des émotions, « les émojis » comme le traduit Abderrahmane, que tous ont rappelé à la volée : « quand on est content, triste, en colère… amoureux ! ». L’exercice d’empathie engagé pour se mettre dans la tête des personnages ne vise pas tant à arbitrer entre versions divergentes qu’à « lever les implicites et les non-dits, si évidents pour nous et si étranges pour eux » d’après Laure. Un passage obligé « pour saisir le cheminement logique entre deux actions »
car « certains peuvent mémoriser le texte par cœur sans comprendre ». Ces opérations cognitives sont d’autant plus indispensables en éducation prioritaire que « beaucoup ne fréquentent pas les albums en famille et ne partagent pas les références culturelles qui aident à faire sens ».

CARREFOUR D’APPRENTISSAGES

En amont, une phase de maîtrise du lexique revient sur le nom des animaux et la signification d’expressions que le mime aide à s’approprier autrement que par le raisonnement langagier. Des échanges qui permettent à Basma de se rappeler que « trembler comme une feuille, c’est quand on a très froid » mais aussi à Marwa de préciser que « c’est surtout quand on a très peur ». La discussion orale multiplie les correspondances entre les formes littéraires et leurs équivalents courants, mieux connus des enfants. « Prendre l’eau, c’est être tout mouillé », transcrit ainsi Jenna. Des passerelles entre concepts du même champ (« aff amé » et « dévorer ») construisent aussi des premiers liens entre les actions. Marwan rappelle que « dévorer, c’est manger très vite quand on a très faim », comme menace de le faire le loup du récit…

Autant de préalables qui ont outillé les élèves pour mieux décrypter collectivement les effets de suspense de la fi n du récit, entre « peur » et « surprise » puis « rassurement ». À l’issue de l’intense séance, Laure nourrit le regret « qu’entre « plan maths » et incitations à aborder l’écriture cursive dès septembre, les injonctions s’empilent et la détournent » de la littérature jeunesse. Elle est pourtant une ressource inépuisable d’apprentissages au carrefour de la compréhension orale, de l’enrichissement lexical et syntaxique et de la projection dans la langue écrite au travers de « prolongements individuels en écriture inventée ». Histoire d’ajouter le plaisir d’écrire au goût de lire.

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