"Sortir de l'exigence de l'évaluation"
Mis à jour le 19.01.21
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Interview de Stéphanie Barrau, directrice d'école et formatrice
Stéphanie Barrau, est directrice de l’école maternelle d’application à Poitiers, formatrice et secrétaire nationale communication de l’Ageem, association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques
Qu’est ce qui caractérise le public de l’école maternelle ?
À l’entrée en école maternelle, les enfants en bas âge ont des capacités cognitives, langagières et attentionnelles différentes. Ils ont besoin de sécurité affective. Tout est en cours de construction. Ils ne sont pas encore des élèves, l’enjeu est de les y préparer en suscitant des expériences pour qu’ils se familiarisent avec les lieux, les personnels, le fonctionnement de l’école, ses demandes. Et cela prend du temps. Il y a un va-et-vient entre les enfants qui doivent s’adapter aux exigences de l’école et les PE qui doivent tenir compte des capacités de chacun d’eux. L’accueil des familles est primordial ; des parents sécurisés, ce sont des enfants rassurés et disponibles pour apprendre. Il faut donc trouver les mots pour les accompagner et les mettre en confiance.
Et les apprentissages ?
À la maternelle, les enfants vont vivre des situations riches et variées engageant le corps dans sa globalité. Ils vont développer des habiletés motrices essentielles, les contrôler, les affiner. Le développement proprioceptif prend du temps et se fait de façon progressive : comment demander à de trop jeunes élèves d’écrire en attaché alors qu’ils n’ont pas le tonus musculaire, la souplesse suffisante pour tracer et organiser dans l’espace les déliés de l’écriture cursive ? Développer des activités de motricité fine, des activités artistiques, de bricolage, de cuisine est essentiel notamment pour l’acquisition du lire-écrire. Toutes ces expériences contribuent au développement du langage des élèves sans oublier qu’une des modalités spécifiques de l’entrée dans les apprentissages à l’école maternelle se fera par le jeu : cela permet d’oser, de prendre confiance et d’agir ensemble.
La maternelle : un métier spécifique ?
En maternelle, les apprentissages paraissent très simples et sont en réalité extrêmement complexes à mettre en place. Les PE doivent avoir de solides connaissances du développement de l’enfant pour aménager des situations progressives, choisir un matériel adapté à chaque élève, à ses capacités sensorielles et attentionnelles. D’où l’importance de la formation, qui doit s’appuyer sur les avancées scientifiques et sur le terrain pour qu’il n’y ait pas de décalage entre les besoins des collègues et les propositions de formation. Des temps d’analyse et de mutualisations de pratique, de co-observation, permettent de comprendre le fonctionnement de la maternelle et de modifier ses gestes professionnels. Mais il faut que la formation en maternelle ne se focalise pas sur le lire/écrire/compter, car les arts, la musique contribuent pleinement à la maturation du cerveau. Enfin, il faut apprendre à observer en continu ses élèves pour évaluer réellement leurs progrès, une posture exigeante à développer face aux tentations d’une évaluation normée et précoce.