Temps de travail et PE
Mis à jour le 12.05.22
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Itv de Julien Tourneville, chercheur en sciences de l'éducation
JULIEN TOURNEVILLE est chercheur en sciences de l’éducation et de la formation au laboratoire CeDS (Culture et diffusion des savoirs) université de Bordeaux.
Quelles sont les spécificités du rapport des PE au temps de travail ?
C’est un métier qui demande du travail à la maison au-delà de l’obligation de faire classe, avec un travail invisible, non posté, pour une moyenne totale de 43h30 par semaine selon l’Insee. Le parti pris de ma recherche a été de comprendre comment ce temps est ressenti. On peut distinguer des différences de perception du présent, du futur, du passé et identifier en ce sens différents types d’inscription dans le métier.
Quelles catégories peut-on distinguer ?
Celle d’enseignants débordés par le présent qui gèrent l’urgence de la classe au jour le jour et ont du mal à s’en sortir. Ce qui va de pair avec la difficulté de se projeter. Des « présentistes » que l’on trouve principalement dans le premier degré pour lesquels le surinvestissement dans le travail peut conduire à une forme de malaise professionnel. Ensuite, on voit des enseignants très organisés qui mènent avec beaucoup de rigueur organisation de la classe et vie de famille. Ils vivent à un rythme très soutenu et sont conscients qu’il faudra réduire la voilure pour préserver leur vie privée. Dans ces deux catégories, ils déclarent une peur de mise en danger de leur vie privée et pour leur épanouissement, de se lasser du métier. Enfin, on distingue ceux qui mettent le métier à distance et protègent leur temps de vie privée. Ils vont refuser d’appliquer immédiatement une réforme ou de se lancer trop souvent dans des grands projets. On compte peu d’enseignants du premier degré dans cette catégorie. Ces catégories sont des modèles-types, elles ne sont pas à prendre à la lettre : chaque PE est une sorte de mélange des trois !
Qu'entendez-vous par déprofessionnalisation des PE ?
D’un point de vue théorique, c’est quand il y a perte d’autonomie dans la pratique professionnelle. Elle est assez présente et encouragée par le manque de capacité de projection des politiques publiques qui s’accompagne de changements incessants. On distingue alors différentes façons de prendre les injonctions et les bonnes pratiques, dictées par l’institution et la société, avec les enseignants qui y arrivent, ceux qui coulent parce qu’il y a trop de choses à faire, et ceux qui se préservent de la déprofessionnalisation en ne les appliquant pas immédiatement pour garder la maîtrise de la classe, des pratiques. Une position minoritaire qui atteste que ce qui conduit à des formes de déprofessionnalisation gagne du terrain.