TIMSS : les mauvais résultats
Mis à jour le 20.01.21
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Les évaluations pointent du doigt les inégalités du système éducatif français.
Les évaluations passent et les résultats restent. Encore une fois, elles pointent du doigt les inégalités du système éducatif français.
Mise en place tous les quatre ans, l’évaluation des « Trends in international Mathematics and science study » (Timss) est une étude comparative qui mesure le niveau des connaissances scolaires des élèves de CM1 et de 4e en mathématiques et en sciences. Elle a été réalisée en mai 2019 pour les élèves français qui, comme en 2015, se retrouvent d’après les résultats publiés en décembre 2020 en bas du tableau des 58 pays participants. 6 000 élèves de CM1 et 4 500 collégiens ont été tirés au sort parmi un panel d’établissements et de profils sociologiques établis. Une trentaine de questions en mathématiques et en sciences sont posées aux élèves. Composées pour moitié de QCM et pour moitié de questions construites nécessitant une ou plusieurs phrases courtes, elles sont choisies parmi une base de 200 questions de maths et de sciences très fortement en lien avec les programmes étudiés. L’enquête permet de croiser les résultats avec de nombreuses informations sur le contexte social et environnemental des élèves : origine sociale, équipement culturel de la famille, ancienneté et formation des enseignants… En CM1, avec un score de 485 points en mathématiques, la France se situe nettement en dessous de la moyenne des pays de l’UE (527) et de l’OCDE (529). Cet écart d’une cinquantaine de points correspond à peu près à une année d’enseignement. Ce score a encore baissé depuis celui de 2015 à 488 points et les pays qui caracolent en tête restent les mêmes : Singapour, la Corée du Sud, le Japon, l’Angleterre, les Pays-Bas, les États-Unis, la Finlande, tous au-dessus de 527 points.
La valse des programmes
Manifestement, la crise vient de loin et si chaque majorité au gouvernement accuse les programmes précédents de la situation, c’est plutôt du côté de leur impermanence qu’il faut chercher les difficultés. Comment construire des pratiques professionnelles éprouvées ayant eu le temps de s’approprier les objectifs à poursuivre alors qu’aucun élève n’a pu depuis 1995 vivre l’entièreté des programmes établis à l’échelle de ses 8 années de scolarité primaire ? Paradoxalement, les professeurs des écoles issus de formation mathématiques ou scientifiques font moins bien que leurs homologues, 471 points contre 484 et l’écart n’est pas très marqué entre les personnels expérimentés et les plus novices (498-480). Finalement, il apparaît que les résultats restent étroitement liés à la condition sociale des élèves. Entre les enfants des familles bien équipées et ceux où il y a très peu de ressources, l’écart est de presque 100 points (538-419) en CM1. Enfin, la question de la ségrégation sociale entre établissements est encore une fois pointée puisque l’écart entre l’école qui compte très peu d’élèves défavorisés et celle qui en compte beaucoup est de 511 à 453 points en CM1, et 510 à 463 en 4e…
La réponse privilégiée de la rue de Grenelle consiste à chercher une recette magique applicable en tous lieux et toutes circonstances et qui a déployé depuis deux années un grand plan d’animations pédagogiques imposé aux équipes de formateurs et d’école avec un contenu relevant de la doxa ministérielle. Guides et autres injonctions viennent compléter le tableau là où il faudrait au contraire installer de la stabilité. Aucune piste envisagée du côté des investissements nécessaires, notamment pour faire baisser les effectifs ou encore pour améliorer la mixité scolaire. Pourtant quand on regarde les pays qui réussissent à Timss, il y aurait bien, là-aussi, quelques leçons à tirer…
CECILE ALLARD est maîtresse de conférences en didactique des mathématiques à l’université de Créteil
Résultats de TIMSS, la faute aux programmes ?
La réponse est forcément plus complexe, mais si les programmes peuvent être en cause, c’est parce qu’ils changent si souvent qu’il est impossible d’évaluer leurs effets. Les enseignants n’ont jamais le temps d’en devenir experts, pour se les approprier, repérer les enjeux d’apprentissages et les mettre en œuvre avec toutes les adaptations nécessaires en fonction de leurs élèves. Il est difficile de hiérarchiser entre les injonctions ce qui peut conduire à laisser trop longtemps vivre des procédures inadaptées. Dessiner 54 bouchons pour les répartir entre 3 sacs ne relève pas des procédures attendues en CM même si l’élève réussit ainsi à trouver la solution. En résolution de problèmes, la manipulation et la schématisation doivent conduire à la conceptualisation.
Comment mieux former les enseignants ?
Les PE sont parfois formés sur des programmes qu’ils n’enseigneront jamais, la situation est assez absurde. Il est aussi nécessaire de reconnaître que la formation initiale est bien trop lourde. Elle s’effectue sur deux années contrairement à celle des professeurs du secondaire qui s’appuie sur trois années de licence disciplinaire. Les étudiants doivent acquérir des savoirs disciplinaires, se préparer à un concours, se former au métier, être en responsabilité de classe et rédiger un mémoire de master. Deux années, c’est insuffisant pour entrer dans toute la complexité de l’enseignement de chaque discipline. Mais, il faut aussi une formation continue de qualité renforçant l’expertise du métier pour mettre en œuvre des programmes en les ajustant aux caractéristiques des élèves. Cela pose aussi la question de la formation des formateurs qui eux aussi ont besoin de temps et de stabilité pour être également experts…
Quelle est la bonne méthode pour enseigner les maths ?
Le bon manuel, la bonne méthode sont des mythes. Les bons résultats Timss obtenus dans d’autres pays ne tiennent pas à une méthode, même à Singapour ! L’enseignement des mathématiques est trop souvent perçu comme la transmission de la technique adaptée pour résoudre un problème. Or, lorsqu’on résout un problème, en fonction des nombres en jeu par exemple, l’opération posée n’est pas forcement la procédure la plus adaptée, la plus pertinente. Réussir à trouver la bonne réponse n’est pas un indicateur suffisant d’apprentissage.
Développer l’adaptabilité, la flexibilité des élèves est essentielle. Mais, peut-on considérer cela comme une méthode ?
LA METHODE DE SINGAPOUR EST-ELLE TRANSFERABLE ?
Dans les années 80, Singapour décide de faire des mathématiques une priorité pour son développement. Une équipe de didacticiens examine pendant cinq ans les différentes recherches internationales sur l’apprentissage des maths, puis propose une démarche originale autour de quelques principes clé. Traiter moins de sujets et un à la fois. Les traiter en profondeur à partir de situations concrètes, de manipulations, puis les mettre en « images » variées et, seulement ensuite, passer à l’abstraction. Enfin, placer la résolution de problèmes au cœur des apprentissages en encourageant la verbalisation des démarches et le dialogue entre pairs et avec l’enseignant. 15 années de mise en pratique progressive, d’ajustements, d’allers-retours avec le terrain, ainsi qu’une solide formation de tous les enseignant•es, dans la durée, ont permis à la méthode de porter ses fruits. Le modèle est-il pour autant transférable d’un claquement de doigts ? Sans doute pas. Pour des raisons culturelles d’abord, le mandarin est une langue plus « mathématique » que la nôtre. Par ailleurs, les enfants arrivent plus tard au CP, avec plus de maturité qu’en France.