Toutes voiles dehors
Mis à jour le 20.01.21
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Reportage à Lusigny (Allier) autour de la course du Vendée Globe
Le Vendée Globe, à l’école maternelle de Lusigny (Allier), est une aventure suivie depuis le 8 novembre 2020. En cette rentrée scolaire de janvier, c’est l’une des premières choses qu’abordent ces élèves de grande section de la classe de Stéphanie Heddadj. Parce qu’il s’en est passé des choses pendant ces deux semaines ! Le skipper Yannick Bestaven de l’Imoca Maître Coq IV a passé le Cap Horn ainsi que Charlie Dalin de l’Apivia. Autant dire que Théa et Jason sont heureux car en début d’aventure chaque élève de cette classe, qui en compte 19, avait choisi son voilier. En cours de route, plusieurs ont vu l’Imoca abandonner la course. Qu’à cela ne tienne, il y en avait trente-trois au départ. Après un court moment de dépit, ils ont en choisi un autre.
Multiples apprentissages
Mais un Imoca, qu’est-ce donc ? Peu de Français connaissent ce terme qui désigne les voiliers du Vendée Globe. Pourtant, ces petits élèves, d’à peine cinq ans pour certains, en sont familiers. Quille, coque ou encore skipper sont des mots qu’ils utilisent quotidiennement. « En langage, ce projet est une véritable boîte de Pandore. On découvre du vocabulaire, autour de la course bien entendu, des animaux marins qui peuplent les océans, mais aussi des termes plus scientifiques en lien avec la géographie, explique Stéphanie Heddadj. On travaille sur le globe, sur un planisphère – sujets que je n’aurais pas forcément abordés ». Équateur, océans, côte, iceberg, banquise ou encore Antarctique n’ont plus de secrets pour eux.
Beaucoup de classes en France suivent l’aventure du Vendée Globe, très majoritairement des élémentaires. Mais en maternelle aussi, c’est possible... « Il y a quatre ans, j’ai visité, en famille, l’embarcadère du Vendée Globe, confie Stéphanie. Je suis revenue avec des affiches et des tonnes d’idées. Mon fils, alors en CE1, a apporté tout cela à sa maîtresse. Elle a décidé de suivre le Vendée Globe. Je trouvais cela très intéressant mais, moi, j’avais des PS-MS et je ne pensais pas arriver à les accrocher. Je me rends compte aujourd’hui que c’est faisable. Cette année, j’ai des grands, je me suis donc lancée. C’est une découverte totale pour eux et pour moi ».
Le moment le plus attendu par les élèves ? C’est lorsque la maîtresse affiche au tableau le site du Vendée Globe. Tous découvrent ce qui s’est passé les dernières vingt-quatre heures ou plus, comme ce lundi, après quinze jours de congé. Le compte à rebours du site indique que cela fait 56 jours 19 heures et 34 minutes que la course a débuté. Tous ensemble, ils pointent sur le planisphère l’avancée de chacun. Durant les vacances, tous les Imoca ont franchi le Cap Nemo, un lieu inconnu par une majorité des adultes mais plus pour ces élèves de grande section. Le point Nemo, comme l’explique la petite vidéo du site vendeeglobejunior.vendee.fr que les élèves visionnent avec attention, est le point de l’océan le plus éloigné de toute terre, un lieu où les voisins les plus proches habitent la station spatiale internationale, cimetière des débris venant de l’espace et où aucun être humain n’est allé. Ils mettent à jour le classement des skippeurs. Autant dire que certains sont joyeux comme Gabin qui a gagné trois places alors qu’il était tout dernier. Du côté de Mattéo, on boude. Son skipper a encore perdu une place pour se retrouver vingtième.
Un travail autour des émotions
Ensuite, c’est au tour de l’histoire de Petit Flo que les élèves découvrent sur un « kamishibai ». Petit Flo, c’est un skipper du Vendée Globe, qui est tour à tour serein, joyeux, honteux ou encore dégoûté. Serein lors du départ, joyeux lorsqu’il rencontre des animaux marins ou encore honteux lorsqu’il découvre une tortue en souffrance, dégoûté lorsqu’il découvre que son repas est à base de produits lyophilisés. « On aborde beaucoup de questions avec le Vendée Globe, affirme la maîtresse. Certaines en lien avec les apprentissages mais d’autres aussi en lien avec l’environnement et l’impact de nos pratiques sur la faune et la flore. Quand Petit Flo rencontre la tortue avec une paille coincée dans une narine, il a honte. Honte de nos comportements et de l’impact de nos modes de vie. Et cela fait beaucoup parler et réfléchir sur la question ». Pas sûr qu’un des élèves utilise encore des pailles… Le travail sur les émotions est très riche, « lorsque l’on aborde l’histoire et ce que ressent Petit Flo, cela renvoie à des expériences vécues par les élèves et leur permet de mettre des mots sur ce qu’ils ressentent », conclut Stéphanie.
"Une découverte totale pour eux et pour moi"
PASCAL CLERC, professeur de géographie à l’université CY Cergy
Quel intérêt de suivre une aventure telle que le Vendée Globe ?
L’intérêt majeur est la possibilité pour les élèves de se construire des repères géographiques et de se familiariser avec la carte du monde au jour le jour en suivant l’avancée et la localisation des skippers de façon ludique. Cela permet aussi d’entrer dans la géographie autrement que par la mémorisation. Une carte ne devrait pas s’apprendre comme une poésie. C’est un outil. Avec des projets tels que le Vendée Globe, on utilise la carte et c’est ainsi que l’on se familiarise avec elle.
Quelles compétences sont abordées ?
Bien évidemment, celle de l’utilisation d’une carte. Les élèves apprennent aussi à nommer des lieux ainsi que les grandes lignes imaginaires. C’est aussi l’occasion de réfléchir à la dimension environnementale. Les coureurs du Vendée Globe sont de plus en plus confrontés à des OFNI – objets flottants non identifiés. C’est quelque chose d’assez récent. Il est assez compliqué d’aborder ces thématiques avec les plus jeunes, mais possible. On dit que les océans, c’est la nature, mais aujourd’hui cette nature est complètement anthropisée et l’on va y retrouver toute une partie de nos déchets.
Comment, à partir de ce projet, institutionnaliser les concepts géographiques ?
Bien évidemment, celle de l’utilisation d’une carte. Les élèves apprennent aussi à nommer des lieux ainsi que les grandes lignes imaginaires. C’est aussi l’occasion de réfléchir à la dimension environnementale. Les coureurs du Vendée Globe sont de plus en plus confrontés à des OFNI – objets flottants non identifiés. C’est quelque chose d’assez récent. Il est assez compliqué d’aborder ces thématiques avec les plus jeunes, mais possible. On dit que les océans, c’est la nature, mais aujourd’hui cette nature est complètement anthropisée et l’on va y retrouver toute une partie de nos déchets.